A quelques jours de la rentrée, il reste un peu de temps pour s’intéresser à une startup française assez atypique : MyCercle. Ce sera en même temps pour nous une façon de conclure un été au cours duquel nous avons beaucoup traité d’innovation dans les services financiers.
Sur le site de MyCercle, les bios des huit membres fondateurs, dont Jérôme Cazes, l’ancien responsable de Coface, commencent toutes par « a été », « a occupé les fonctions de… ». Voilà donc des gens d’expérience ! Une startup de seniors. Ce n’est pas si fréquent. Et la différence se sent immédiatement. Se ressent plutôt. « Une solution internet révolutionnaire », « une solution en mode Saas », « un outil en cloud », voilà, jetés en avant à la presse, des mots qui sonnent modernes, comme aiment les répéter ceux qui avaient déjà passé vingt ans quand les premiers Macintoshs et le Minitel sont apparus…
Avec plein de vidéos, le site lui aussi est très « moderne », d’une ergonomie dernier cri et, malheureusement, d’une rare nullité. Normal. Là, nos séniors ont dû estimer qu’il fallait laisser faire les jeunes et les geeks ont encore frappé. Une fois de plus, ils se sont appliqués à reproduire les dernières recettes design et ont oublié le contenu. A consulter le site, en effet, il est difficile de résumer simplement ce que propose MyCercle. Il n’y a pas d’accroches, pas de synthèses simples ; des bonnes pratiques un peu longuettes apparaissent, qui ne sont même pas illustrées par ce que propose l’outil.
Disons donc que MyCercle propose un outil de communication, logé sur une plateforme extérieure, qui a trait à ce qu’on nomme les « renseignements commerciaux », à la base du crédit bancaire et du crédit interentreprises. Bref, le suivi de la situation financière entre acheteurs et fournisseurs, créanciers et débiteurs. Mais pas seulement car la solution recouvre aussi bien la communication avec ses actionnaires et d’autres cercles. L’outil permet l’envoi et l’échange ciblé d’informations d’entreprises de toutes tailles selon différents cercles de destinataires. C’est donc un outil opérationnel, gradué et commode de présentation de sa société. Mais pas seulement, car on y surveille également sa réputation et on y suit la situation d’autres entreprises. Et puis, différents responsables d’une même société peuvent utiliser l’outil chacun à leur niveau. Et MyCercle s’adresse encore aux comptables et commissaires aux comptes. Bref, qui peut accéder à quoi, comment et sous quelles conditions ? Ce n’est pas très clair. Il y a un livre de J. Cazes qui explique les enjeux derrière tout ça. La démarche est conceptuelle. C’est sans doute pourquoi nous ne la comprenons pas très bien! D’autant qu’on nous parle de solution révolutionnaire, unique, tandis que les tarifs sont ceux d’outils standards, délivrant une information très basique.
Attention, compte tenu du pédigrée des fondateurs de MyCercle, il n’est pas un instant question de sous-entendre qu’ils ne sauraient pas répondre – et brillamment – à ces questions. Seulement, le faire passer sur le net est visiblement quelque chose qu’ils ne maitrisent pas immédiatement. Question de génération.
Pour toutes ces raisons, nous croyons beaucoup à MyCercle ! Parce qu’avec son côté mal dégrossie, cette solution a tout d’une vraie innovation, bien plus que beaucoup de celles que montent des créateurs de startups à peine sortis de l’école, sans trop d’idées ni de perspectives mais attendant apparemment surtout un coup de chance – vous en doutez ? Comptez donc le nombre de solutions quasi identiques de PFM qui ont vu le jour depuis deux ans et reparlons-en.
Il y a des idées fortes dans MyCercle : une plateforme pour gérer sa communication selon différents cercles, ce qu’internet ne sait pas encore très bien gérer et qu’il ne propose guère. Une démultiplication d’informations potentiellement porteuse de tous nouveaux usages et contenus, de nouvelles approches ; particulièrement dans le cadre des relations d’affaires où n’existent souvent au mieux qu’une notation et des liasses fiscales. Un outil d’identité numérique, favorisant l’apparition de nouveaux standards et de nouvelles attentes en matière de communication d’entreprise, voilà ce que pourrait être MyCercle. Un outil innovant, capable de changer la vie et qui, s’il marche, ne ressemblera sans doute plus tellement à ce qu’il paraît aujourd’hui – ce qui est après tout le mieux qu’on puisse lui souhaiter.
Seulement, demandera-t-on inévitablement, est-ce bien à des seniors de porter un tel projet ? Est-ce même ce qu’ils visent ? Il faut se méfier des seniors, dans le monde d’aujourd’hui, demain leur appartient aussi.
P. Adoux/Score Advisor