A l’occasion du lancement de sa nouvelle agence « 100% innovante » de Metz-Pompidou, la CELCA diffuse un film de présentation qui ressemble beaucoup à ceux que produisait par exemple Bradesco il y a quelques années : dans un décor moderniste, le tout-tactile y apparaît comme un argument de poids pour faire revenir les clients dans les agences. Ces dernières années, un certain nombre de banques ont rapidement cessé de croire que si les écrans dont chacun dispose aujourd’hui vident les agences, c’est en équipant celles-ci d’écrans à tout-va que les clients vont continuer à les fréquenter ! On pouvait donc croire que la plupart des établissements s’étaient convaincus que, dans un univers multicanal, si l’agence a un sens, c’est en cultivant la dimension humaine, à travers une redéfinition claire de ce que les clients peuvent trouver là et nulle part ailleurs et la mise en avant d’un accompagnement expert, dont les clients soulignent justement de plus en plus les manques. On pouvait le croire, mais ce n’est apparemment pas le cas et cela pose sérieusement la question de la pérennité des réseaux d’agences bancaires.
A travers le film de présentation, il est intéressant de visionner le parcours client dans le détail. Ainsi, on a conservé un guichet. Toutefois, dès l’entrée, le client est invité à se signaler sur une borne – tactile (est-il utile de le préciser ?).
D’emblée, ainsi, le premier contact est avec un employé de guichet qui explique au client qu’il n’est pas là pour lui (à quoi sert-il alors ?). Pour la dimension humaine, c’est un peu raté.
Comme dans les services administratifs, le client prend en quelque sorte un ticket de passage et va attendre dans un espace totalement vide.
Au passage, on découvre qu’une table (oui, tactile) permet d’occuper les enfants. Cela représente apparemment une nouvelle tâche pour les personnels d’agence.
Plutôt que des bureaux, les conseillers clientèle partagent désormais un espace collaboratif qui ressemble à un centre d’appel – où donc est rangée la paperasse dont les banques sont toujours grandes consommatrices ?
La conseillère emmène d’abord son client voir une autre grande table (tactile, vous l’aurez deviné), apparemment pour lui présenter des dépliants bancaires et des simulateurs, que le client aurait très bien pu consulter chez lui.
L’agence propose le wifi. Les clients peuvent s’y connecter avec leur propre équipement (à quoi sert le « bar à tablettes » alors ?). Ni eux, ni les conseillers, ne savent apparemment plus se parler sans l’intermédiaire d’un écran, de sorte qu’on se demande pourquoi ils ont encore besoin de se voir.
La rencontre se termine. La conseillère accompagne son client pour lui indiquer où se trouve l’automate (!). Il y a du monde au guichet mais on ne voit toujours pas très bien à quoi il sert.
A l’extérieur, on trouve un écran interactif pour feuilleter les campagnes publicitaires de la banque, les infos de l’agence ou du quartier. C’est certainement très intéressant mais il faut aller dehors, c’est-à-dire, dans la région, souvent dans le froid.
Avec ce nouveau modèle d’agence, la Caisse d’épargne Lorraine Champagne-Ardenne veut répondre aux nouveaux comportements induits par la révolution du digital. Mais alors, on ne comprend pas très bien. Pourquoi cette promotion du tactile, qu’en France les distributeurs de billets de la SNCF ont rendu commun depuis belle lurette et qui – si beaucoup ont fini par s’en accommoder, tandis qu’il irrite de plus en plus de monde – ne fait certainement pas rêver ! Comment croire que la réponse au multicanal soit d’aller vers une impossible agence toute digitale ? Une agence doit apporter plus que des écrans et cela devrait être mis en avant. Or, c’est le contraire. Pourquoi, à cet égard, ne pas chercher également à se distinguer du modernisme fonctionnel terne et froid, tellement représentatif des services administratifs français, plutôt que de donner l’impression qu’on s’efforce de le copier ?
Pour notre part, au vu des attentes qu’expriment les clients, même si leur parc doit être réduit et de nouveaux formats développés, nous ne croyons nullement à la perspective d’une disparition rapide et encore moins nécessaire des agences bancaires. Mais enfin, dans ces conditions…
P. Adoux/Score Advisor