En juin 2012, Ulster Bank a connu la pire descente aux enfers qu’une banque peut sans doute subir : une interruption complète de ses infrastructures informatiques, privant 600 000 clients de tout service bancaire pendant 28 jours d’affilée.
Dans la presse, l’externalisation de l’informatique de l’établissement a été immédiatement incriminée. Mais d’autres commentateurs ont également déploré que, pour compenser ses déboires, Ulster Bank se soit résolue à externaliser le traitement d’une grande partie de ses activités. A la fois cause et effet, ainsi, l’outsourcing a bon dos ! Mais peut-être faudrait-il commencer à voir les choses de manière un peu plus mature. L’exemple d’Ulster Bank y invite car en l’occurrence, face à la catastrophe, celle-ci a jugée que l’externalisation n’était pas tant le problème que la solution !
Quatrième banque d’Irlande, Ulster Bank est une filiale de RBS. Elle externalise une large partie de ses traitements mais surtout au sein du groupe, à travers des centres de services partagés, dont le collapse informatique a montré la mauvaise gouvernance. C’est d’ailleurs le principal manquement qu’a retenu la Banque centrale d’Irlande au titre de l’amende record de 3,5 millions € qu’elle a infligée en novembre 2014 à Ulster Bank – une somme qui est venue s’ajouter aux 59 millions € déjà payés en dédommagements aux clients.
Ulster Bank n’a pas discuté. Un travail d’autocritique mené en interne, d’une rare profondeur, avait en effet mis en lumière que le contenu des différents contrats de service était ignoré par la Direction, qu’aucun niveau de service n’avait été fixé et que les risques encourus étaient totalement négligés.
Dès lors, n’ayant guère le choix de remettre en cause l’externalisation de ses services et ne le souhaitant d’ailleurs pas, Ulster Bank a plutôt voulu que best practices et réglementation, en matière d’externalisation, deviennent autant de leviers pour dépasser, en interne, une certaine culture de « l’à peu près ». Mieux même : qu’ils inspirent de nouveaux modes de management.
Bien comprises, les problématiques de l’outsourcing invitent de fait à repenser les tâches de management à partir de questions très simples : pour la réalisation de chaque tâche, qui est impliqué, pourquoi et comment rend-il compte de ses responsabilités ?
Cette manière de voir, évidemment déterminante pour des tâches externalisées, s’applique aussi bien aux relations internes qu’externes et a vocation, de proche en proche, à gagner tous les échelons. Elle paraît particulièrement pertinente dans le contexte d’activités bancaires marquées aujourd’hui par une réglementation de plus en plus envahissante et exigeante, ainsi que par la nécessité d’internaliser des compétences externes face aux multiples et déterminantes évolutions que connaît la banque de détail. Sous cette perspective, la démarche d’Ulster Bank n’est pas singulière. L’établissement paraît simplement précurseur.
Directement en prise avec sa stratégie, il a défini un cycle de décisions qui retrace les étapes classiques d’un process d’outsourcing mais qui a vocation à être étendu à toutes les activités internes et qui assigne de nouvelles tâches aux managers : estimer précisément leurs besoins en regard des propositions de valeur extérieures, choisir les meilleurs fournisseurs, internes ou externes, sur ces bases et contractualiser avec eux des niveaux de services évolutifs.
Le pilotage d’activité repose ainsi sur une projection élargie de ses besoins et des risques d’exploitation encourus. Alors que l’externalisation reste encore souvent perçue comme le moyen de se délester et de rogner les coûts d’activités non stratégiques, le renversement est complet : elle est reconnue comme la matrice managériale d’une entreprise apprenante et agile.
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Comment concrètement décliner un tel mode de pilotage, à travers la fixation d’objectifs, l’implication des personnels, la définition des rôles et des responsabilités ? Une première étape indispensable, a estimé Ulster Bank, passe par une mise à niveau des personnels à travers des formations – à cet effet, le cursus certifiant Pathway de l’European Outsourcing Association a été utilisé. Et nous en saurons plus en interrogeant le responsable des services externalisés d’Ulster Bank dans le cadre d’une présentation qu’organise l’EOA à Paris le 26 novembre prochain (voir l’annonce ici). Nous-mêmes dresserons, à cette occasion, un panorama des évolutions en matière de BPO dans la sphère bancaire.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor