Il nous semble intéressant de signaler un article assez original, de ton comme de contenu, émanant du monde universitaire, sur les fermetures d’agences bancaires. Un article qui, sur ce sujet, met surtout en avant le comportement moutonnier et l’absence de stratégie des banques.
Selon les chiffres répertoriés par l’article, de 1999 à 2018, les banques françaises ont fermé 19% de leurs agences :
Comme l’indiquent les courbes d’évolution ci-dessus, il s’agit d’une évolution de fond – nous-mêmes l’avons signalé il y a quelques années, le discours sur la fin inévitable des agences est en fait très ancien ! (voir ici).
Or, continue l’article, les banques offrent aujourd’hui deux principales caractéristiques : 1/ elles sont incertaines quant à l’évolution de leurs métiers, du fait de la montée en puissance du digital et des concurrents qu’il leur suscite et 2/ elles disposent d’une grande légitimité organisationnelle, étant fortement réglementées et jugées dignes de confiance par le public. Or un secteur qui présente ces deux caractéristiques, est-il affirmé, est enclin à voir ses acteurs adopter un comportement mimétique. Pour agir, chacun copie plus ou moins les autres. Et l’article de montrer par exemple comment, en termes de fermetures d’agences, LCL a suivi Société Générale ces dernières années.
Avouons-le, le raisonnement qui conduit des deux caractéristiques plutôt floues indiquées ci-dessus au constat d’un nécessaire mimétisme peut paraitre quelque peu succinct. Néanmoins, le constat est peu discutable. Pour ce qui regarde leurs implantations physiques, le mimétisme des banques est fort. Il l’a d’ailleurs toujours été. Et dans plusieurs cas – notamment celui des banques cotées – il est quasi obligé. Alors que les résultats bancaires se tendent, un groupe qui présenterait un réseau beaucoup plus dense que ceux de ses concurrents ne serait pas très bien vu en bourse !
En quoi le mimétisme dépasse très largement les seuls établissements bancaires. Le problème des agences bancaires, c’est que tout le monde à un avis sur elles ! Et il est généralement négatif. Pour le « consensus » – pour parler comme sur les marchés financiers – les agences doivent disparaitre ! Les banques ont fini par s’en convaincre, comme tout le monde. On le voit d’ailleurs incidemment sur le graphique ci-dessus : à partir de 2014, le nombre d’ouvertures d’agences s’effondre. Il s’agissait jusque-là d’accompagner les déplacements géographiques de la clientèle. Mais on n’y croit visiblement plus ou pratiquement plus.
Pourtant, l’article le souligne, cette conviction et ce mimétisme se déploient… en toute incertitude. Certes, la baisse de fréquentation est forte et irrémédiable. Mais elle n’est pas absolue et, en elle-même, elle invite davantage à revoir le nombre, le format et la fonction des agences qu’à les fermer toutes ! Par ailleurs, sauf exceptions pour certains produits et quelques rares établissements, l’agence demeure le premier canal de ventes.
Si l’attitude des banques est suiviste, explique l’article, c’est que celles-ci sont incertaines quant à savoir quelle rentabilité future elles peuvent attendre de leurs agences. D’autant plus, peut-on ajouter, que cette rentabilité varie entre agences, en fonction souvent de leur implantation mais aussi, ce qui est moins connu, de leur ancienneté.
En fait, l’incertitude est beaucoup plus grande : pour les banques, il n’est pas sûr aujourd’hui que le passage au digital va maintenir leur rentabilité d’ensemble ! La crise a accéléré la digitalisation des usages. Mais alors que les groupes bancaires commencent à publier leurs résultats 2020, on constate que ce passage au digital n’augmente ni les ventes, ni les marges. Et certaines études montrent que les nouveaux consommateurs digitaux ont tendance à être bien moins fidèles aux marques…
Dès lors, le mimétisme obligé commence à produire ses propres antidotes. A l’échelle internationale, où la densité des réseaux d’agences est en train de devenir une spécificité française. Ainsi qu’en France, où les perspectives des réseaux de distribution commencent à être nettement différenciées entre les établissements. De véritables stratégies de distribution pourraient ainsi et même devraient suivre. C’est urgent !
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