Un peu comme avec l’art conceptuel les caractères esthétiques d’une œuvre passent au second plan (est-elle belle ? bien exécutée ?, etc.) derrière l’idée que l’œuvre porte et le regard nouveau qu’elle pousse à avoir sur l’art lui-même, voilà une néo-banque anglaise pour laquelle les aspects bancaires (produits et services) semblent assez secondaires et qui cherche avant tout à offrir une vision nouvelle de la banque, une expérience inédite des relations bancaires.
Bien qu’initiée par de solides routiers de la finance britannique, Anthony Thomson (cofondateur de Metro Bank) et Mark Mullen (ex CEO de First Direct/HSBC), on dirait qu’Atom a été conçue dans une Art School. Comme si l’on avait demandé à des étudiants des Beaux-arts d’inventer la banque de demain. Et cela va loin – enfin (Atom n’a pas encore démarré), le concept.
Ce concept est simple : personnaliser le plus possible la relation bancaire. Atom Bank n’aura ni agences, ni même un site sur lequel peuvent être traitées des opérations. Elle ne proposera qu’une appli mobile dotée d’outils d’intelligence artificielle qui seront à même d’adapter, de customiser l’appli en fonction des usages et préférences de chaque utilisateur, pour l’aider à créer sa propre banque au sens littéral : chacun fera en quelque sorte sa propre appli.
Chez Atom Bank, on s’identifiera avec un selfie – c’est bien le moins pour une appli personnalisée mais cela va sans doute devenir assez banal. Ce qui l’est moins est qu’on choisira également ses couleurs préférées, son propre logo individuel (à partir de celui d’Atom mais avec des millions de combinaisons différentes). Et l’on pourra rebaptiser la banque à sa façon – avec son prénom ou un nom idiot de son choix, pourquoi pas ?
Ainsi totalement customisée, l’appli deviendra un assistant personnel virtuel permanent – « an ever-present companion » – susceptible de fournir des conseils financiers et de guider l’utilisateur pour la souscription de produits. Au besoin, un centre d’appels sera disponible, utilisant les mêmes outils d’IA pour maintenir le caractère personnalisé de la relation. La marque sera ainsi largement effacée, au profit d’une interface bien à soi, originale (matérialisations 3D, etc.) et ludique (Atom a déjà acquis Grasp Digital, une société de gaming – car, créée depuis moins de deux ans, Atom a déjà levé 135 millions £).
Ayant obtenu sa licence bancaire en juin dernier, Atom annonce qu’elle offrira une gamme complète de produits bancaires. Selon un modèle déjà développé par une néo-banque comme Simple, elle s’appuiera pour cela sur un grand partenaire bancaire ; bien que la logique voudrait qu’elle travaille avec plusieurs et devienne plutôt un véritable supermarché bancaire.
De manière intéressante, Atom Bank vise une catégorie émergente, ceux qu’on nomme les Bankless, qui sont aujourd’hui prêts à se passer d’une banque au sens classique du terme. Elle voudrait avoir ainsi rallié 5% des clients de la banque de détail au Royaume-Uni en 2020, ce qui peut sembler ambitieux dans la mesure où la formule du 100% mobile ne parait plus vraiment crédible aujourd’hui, face à un client devenu lui aussi multicanal.
Quoi qu’il en soit, si le type de nouvelle interface que propose Atom prend, la notion même de banque en sera complètement chamboulée. Si je bâti « ma » banque, je ne serai plus lié à aucune en particulier mais à un acteur comme Atom qui sera plutôt un intermédiaire. La notion de relation bancaire, telle que nous l’entendons aujourd’hui, devra évoluer. Et si cela ne prend pas, porté par une néo-banque comme Atom, il y a suffisamment à tirer d’un tel concept pour renouveler largement l’expérience bancaire. Signe qui ne trompe pas : BBVA a investi 45 millions £ pour acquérir 29,5% du capital d’une banque qui n’a pas encore démarré. Qui n’est encore qu’un concept.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor
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