Première banque en ligne italienne, Che Banca! a été créée par Mediobanca, principale banque d’investissement de la Péninsule et premier établissement de ce genre à avoir voulu diversifier ses sources de liquidité en se lançant dans le retail (elle a été notamment suivie par Goldman Sachs avec GS Bank). Dans ce contexte, cependant, la communication que déploie Che Banca! ne peut manquer de paraître assez étrange.
Par rapport aux banques en ligne françaises, Che Banca! se différencie par un réseau d’une cinquantaine d’agences (dont l’ex réseau de Barclays en Italie) qui affichent un look moderniste.
Che Banca! cultive le modernisme en effet. En France, la communication des banques en ligne et sur mobile vise de façon générale (il y a des exceptions) et de manière plutôt discrète les jeunes urbains relativement aisés, en leur expliquant qu’elles sont ce qui leur correspond le mieux. En Italie, Che Banca ! promet au grand public un véritable saut dans la modernité.
Mais selon cette orientation, Che Banca ! en vient, notamment à travers ses spots publicitaires, à camper une Italie qui parait en être restée aux… années cinquante !
Du coup, c’est la communication de Che Banca ! qui parait elle-même singulièrement vieillotte ! Le choix de slogans en anglais sonne en particulier tout à fait anachronique de nos jours.
Comment l’expliquer ? Créée en 2008, Che Banca a conquis depuis un peu plus de 800 000 clients, ce qui est tout à fait comparable avec Boursorama Banque, par exemple, qui créée en 2006 a conquis un peu plus d’un million de clients. Il s’agit là de bons chiffres, que bien d’autres banques en ligne n’atteignent pas. Mais cela ne correspond pas bien sûr au succès qui était attendu, dès lors que les banques en ligne devaient, croyait-on, révolutionner la banque. Or, si cette révolution n’a pas eu lieu, semble expliquer la communication de Che Banca!, la faute en revient aux… Italiens !
De fait, on trouve sur son site cette page à peine croyable où il est expliqué que les Italiens sont nettement en retard par rapport aux autres pays d’Europe : ils privilégient encore largement les espèces, achètent peu en ligne, sont nuls en finance, n’y comprennent rien et choisissent sans sourciller les comptes bancaires les plus chers. En fait, est-il suggéré, les Italiens ne sont pas seulement en retard mais bien arriérés. Peu instruits pour la plupart, ils sont parmi les plus rétifs à la formation continue.
Heureusement, est-il conclu, les choses changent et Che Banca! est à la pointe. S’agit-il cependant d’en convaincre le public ou, pour l’établissement, de se convaincre lui-même !?
Car les chiffres disponibles ne valident pas du tout les constats de Che Banca! : 43% des internautes italiens auraient déjà acheté un produit financier en ligne. C’est nettement plus qu’en France, ainsi que par rapport à la moyenne de l’UE. En même temps, l’Italie reste la championne (avec l’Espagne et la France) du nombre d’agences bancaires (avec un taux moyen de fréquentation un peu plus élevé qu’en France). Mais il n’y a pas là de paradoxe : le public a simplement voulu les deux, le digital et les agences. Ainsi en va-t-il généralement dans le domaine bancaire : les cartes de paiement n’ont pas supprimé les chèques mais se sont d’abord ajoutées à eux puis s’y sont substituées peu à peu et de manière non exclusive. En finance, les comportements sont toujours plus longs à changer qu’on ne l’attend. Dans ces conditions, cependant, ce sont les établissements classiques qui sont en train de digitaliser les services bancaires, les banques en ligne n’ayant finalement servi que d’appâts en rognant leurs marges et en séduisant pour l’essentiel une clientèle exigeante. La communication de Che Banca! parait donc tout à fait inappropriée quand Unicredit revendique 10 millions d’utilisateurs de ses services en ligne et 4 millions d’utilisateurs de son appli mobile.
Est-ce si surprenant ? La plupart des banques en ligne ont misé sur la technologie – qui ne leur était pourtant pas propre – et sur un affichage de gratuité qui a pu être perçu comme un risque de service dégradé, dès lors que le digital paraît aux yeux du public compliqué dès qu’on s’écarte des opérations standards. Pour le reste, les offres ont été peu modifiées et encore moins les termes de la relation bancaire pour les clients, particulièrement pour ce qui regarde la fidélisation, l’accès à des conditions privilégiées, la reconnaissance d’un statut, etc. Che Banca! déclare vouloir devenir plus qu’une simple banque, une plateforme de services et de produits propres et partenaires. Si tant est que cette stratégie soit valide – devenue celle de nombreuses néo-banques désormais, elle peine encore à se concrétiser de manière convaincante – il serait peut-être temps de la mettre en œuvre…
Guillaume ALMERAS/Score Advisor