En 2015, le nouveau patron de Deutsche Bank, John Cryan, constatait à son arrivée que l’établissement disposait d’une « informatique complètement dépassée » et, pire encore, que la gestion externalisée de 80% des 7 000 applications du Groupe s’était soldée par une perte quasi-totale de compétences internes. Dans ces conditions, John Cryan décidait de réaliser une économie d’1 milliard € en ne reconduisant pas les contrats de 6 000 de ses… 30 000 prestataires externes. Cela sonne-t-il le glas des grands contrats d’externalisation ? En France, il y a cinq ans, beaucoup attendaient une large vague d’externalisation d’activités dans les banques, commandée par la crise mais qui n’est finalement pas venue.
Au sein des banques françaises, l’infogérance s’est beaucoup développée au cours des années 2000 : 80% des banques françaises y ont désormais recours mais aucune sous la forme d’un service informatique global. En termes de BPO, quoique le phénomène demeure très mesuré, les banques françaises délocalisent de plus en plus certaines activités, généralement au sein de filiales. Cela peut laisser croire que l’outsourcing bancaire français reste peu actif mais une telle estimation serait faussée.
L’externalisation ne doit pas être immédiatement assimilée à la délocalisation d’activités ou au transfert de personnels. Elle s’inscrit plutôt au bout d’une dynamique interne de rationalisation des tâches et des coûts. En ce sens, centres de services partagés (les banques françaises les ont multipliés ces dernières années) et externalisation représentent en général moins des options concurrentes que des étapes successives. En ce sens, également, l’externalisation concerne d’abord les services pour lesquels des prestataires extérieurs peuvent le plus facilement être trouvés. L’offre de services externalisés crée plus facilement la demande que le contraire et c’est pour ne pas l’apercevoir qu’on prête souvent aux entreprises une attitude attentiste vis-à-vis de l’externalisation.
En France, le BPO bancaire est aujourd’hui particulièrement marqué :
- par le fait qu’il tente d’éviter des surcoûts, liés notamment aux évolutions d’une réglementation de plus en plus exigeante ou de réglementations particulières, plutôt que de réduire des coûts existants ;
- par le fait que les banques jouent de plus en plus un rôle d’outsourceur vis-à-vis d’autres banques, tandis que sont également apparus de nouveaux clients : établissements de paiement, startups fintech. Parmi les banques françaises, le Crédit Mutuel Arkea a notamment choisi de faire de la gestion de services financiers sous marque blanche un axe fort de sa stratégie de développement. Il en tire désormais 25% de ses revenus.
Dans de tels cas de figure, l’externalisation est fonction d’effets de taille, au vu desquels il peut revenir pratiquement au même, pour amortir des SI onéreux, d’externaliser la gestion ou de proposer à d’autres établissements de gérer leurs contrats. De tels partenariats, qui se multiplient depuis quelques années, amènent à distinguer nettement la production d’offres et de services et leur distribution. On parle de « déverticalisation » du marché bancaire et c’est une tendance forte du BPO bancaire aujourd’hui en France. Après les opérations sur Titres, elle gagne les moyens de paiement, ainsi que le back office des activités de gestion de fortune et de banque privée.
Par ailleurs, comme le montre l’externalisation de l’Asset Servicing, des moyens de paiement ou de la gestion des crédits, l’outsourcing des tâches de traitement vise aujourd’hui une démultiplication des offres aux clients finaux.
Dans ce contexte, les banques peuvent même devenir des prestataires de services externalisés auprès d’une large clientèle d’entreprises, avec la tendance actuelle à l’élargissement de la gamme de services proposés à ces dernières ; vis à vis desquelles les banques veulent se positionner de plus en plus comme des partenaires. Les plateformes de facturation et les Global Payment Hubs peuvent particulièrement être cités, à l’adresse des grandes entreprises. Mais TPE et PME sont également de plus en plus concernées.
Enfin, l’heure est également de plus en plus au KPO (Knowledge Process Outsourcing), qu’il s’agisse des tâches de recherche pour le Private Banking et l’Asset Management ou des fonctions commerciales dans la banque de détail, avec l’externalisation du scoring des demandes de crédit et des campagnes marketing. Des solutions automatisées nouvelles, parfois robotisées, se développent en effet dans ces deux domaines avec l’analyse massive de données ou Big Data. Les acteurs sont essentiellement des startups, croissant très rapidement en taille, comme Yodlee. Cela montre que, loin d’être prioritairement guidé par la baisse des coûts, le BPO permet d’abord le re-engineering et l’enrichissement de process clés. En ce sens, l’externalisation correspond d’abord à l’acquisition, à l’internalisation de nouvelles compétences. Or, à cet égard des solutions d’externalisation peuvent rapidement se mettre en place dès lors que des prestataires intéressants apparaissent.
Plus que vers des fonctions support ou accessoires, l’externalisation s’oriente prioritairement vers des activités requérant des investissements et des compétences précises. Loin de fournir uniquement l’occasion de se délester de tâches à faible valeur ajoutée, elle vise l’acquisition de moyens et de compétences spécialisées, dans des conditions avantageuses.
On affirme très souvent que le principal objectif de l’externalisation est de permettre aux entreprises de se concentrer sur des activités à valeur ajoutée ou, en d’autres termes, de se délester de fonctions ou métiers accessoires. Cette affirmation est largement erronée et représente une fausse piste : c’est toujours la possibilité de bénéficier d’une productivité supérieure et donc de baisser ses coûts à niveau de qualité égal ou supérieur qui fournit une opportunité d’externalisation, que l’activité soit jugée centrale ou accessoire.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor
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