Alors qu’en début de semaine la presse présentait le nouveau modèle d’agences d’un grand groupe mutualiste français et en détaillait les aménagements, on peut se demander si relooker les agences suffira à répondre à leur baisse générale de fréquentation.
En fait, la notion même d’agence bancaire est devenue trop limitative et les banques qui se contenteront d’en changer les formats ne répondront pas à ce que leurs clients attendent.
Bref retour en arrière : le modèle classique de l’agence bancaire fut longtemps celui des agences de centre ville, souvent installées dans des immeubles cossus sur une artère importante ou, dans les petites villes, sur la place principale. Chaque agence avait ainsi son caractère propre, souvent renforcé par un patron et des personnels de guichet quasi inamovibles, bien connus dans leur quartier.
Il y a un peu plus de vingt ans, ce modèle a été complètement bouleversé. Les agences se sont multipliées, toutes sur le même moule, avec des personnels sinon interchangeables, au moins en rotation permanente. Alors que les agences gagnaient les zones commerciales, les banques se sont mises à penser leurs réseaux à l’instar des enseignes de grande distribution ou de restauration rapide : homogénéisation des points de vente et code couleurs de la marque mis en avant. Cette approche était plus onéreuse que la précédente mais elle permettait une extension rapide des réseaux, alors qu’au même moment les prix de l’immobilier obligeaient les populations à aller vivre de plus en plus loin des centres villes. Pour les banques, cela correspondit également à une période d’affirmation. Au même moment, leurs budgets publicitaires augmentèrent significativement.
Cependant, à partir de 2006, les interactions des clients via internet ont commencé à être significatives en volumes. La baisse de fréquentation des agences s’est enclenchée et n’a plus cessé depuis. La plupart des clients continuent de se rendre dans leur agences mais ils y vont beaucoup moins souvent, essentiellement parce qu’ils n’ont pas de raison de s’y rendre.
Face à cela, la réponse des banques consiste surtout à redessiner leurs agences : plus de sas et plus de guichet et l’on commence même à voir disparaître les desks d’accueil. Davantage de convivialité. Une autre ambiance. Toutefois, ce ne sont pas tellement les agences qui sont en cause.
Si l’on considère les enquêtes – et ceci d’ailleurs quels que soient les pays – les clients n’ont pas tellement accepté la standardisation des réseaux d’agences. Ils ont eu l’impression d’avoir affaire à des conseillers trop jeunes, pas assez formés et tournant trop souvent. Alors qu’avec les salons de coiffure et les magasins de téléphonie et d’optique, les banques ont envahie les rues principales des centres villes, leurs offres se sont banalisées, donnant à leur clients davantage envie d’aller voir ailleurs. Et alors qu’avec la hausse des prix immobiliers, les gens partaient vivre de plus en plus loin de leur lieu de travail, les horaires des agences ne leur permettaient tout simplement pas de les fréquenter. On ne rattrapera pas cela avec des écrans tactiles, des machines à café, des sofas profonds et des feux de cheminée !
Toutes les enquêtes montrent que les clients ne souhaitent pas du tout la disparition des agences. Au contraire. Mais ils attendent d’y trouver un accueil personnalisé, des conseils de qualité et davantage de commodité – car si l’on s’y rend de moins en moins, on y fait toujours la queue lorsque c’est le cas, comme le samedi matin. La réponse à ces attentes consiste à définir une offre de service, fondée sur un pool de compétences réelles et variées, au besoin spécialisées – qu’importe que les sofas soient aubergine ou saumon !
Comme canal de contact humain direct, le réseau de points de vente physiques demeurera le canal de distribution le plus important, au moins pour les quinze ans qui viennent. Mais il faut rompre avec la notion même d’agence, comme lieu centralisant toutes les interactions clients et mettre plutôt les équipes en avant.
Les conseillers ou au moins certains d’entre eux doivent devenir mobiles et ne plus être rattachés à un lieu mais plutôt à une région commerciale, de sorte que la relation à son conseiller ne passe pas forcément par le rattachement à une agence. Il ne faut plus penser « l’agence » mais différents types de points de contact, adaptés à des attentes différentes des clientèles (plus qu’à des clientèles différentes). Agences vitrines ou « flagship », agences cosy version club affaires, café ou club anglais, agences « ruches » aux personnels en mouvements, agences spécialisées : ce sont là les principaux formats différenciés qui se dégagent aujourd’hui et que toute la difficulté sera de savoir doser au sein d’un même réseau, sur la base d’indicateurs pertinents. Derrière, il faut encore repenser les territoires commerciaux et les principes de rattachement des clients à des centres d’activité.
Quoi qu’il en soit, l’enjeu n’est plus de définir un lieu d’accueil et de vente mais, à la rencontre des clients, des équipes et des compétences répondant aux attentes, à travers un réseau de points de contact aux formats variés.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor