Les projets de Monnaie numérique de Banque centrale (MNBC) représentent un sujet tout à fait particulier puisqu’il retient essentiellement l’attention par son caractère surréaliste, voir absurde ! Il y a déjà assez longtemps, nous demandions quel pouvait bien être l’intérêt et l’utilité d’un euro numérique. La question demeure entière ! Cependant, le feuilleton des annonces en matière de MNBC a continué au cours de l’été.
Les banques américaines et nombre d’acteurs des crypto-monnaies, aussi bien que leurs consœurs européennes et donc françaises, ont fait part d’inquiétudes que l’on peut facilement comprendre. Dès lors que la Banque centrale européenne a annoncé poursuivre le projet d’une « monnaie publique moderne », il semble bien qu’il ne s’agit pas seulement de rendre l’Euro numérique – ce qu’il est d’ailleurs déjà ! – mais de lancer une nouvelle monnaie. Mais pourquoi ? Dans quel but et selon quelles modalités ? Y aura-t-il deux Dollars et deux Euros, assimilables (on ne sait comment) quoique distincts (on ne sait jusqu’où) ? Un nouveau Dollar et un nouvel Euro, directement gérés par les Banques centrales et bénéficiant ainsi d’un niveau de confiance supérieur ? Et, s’ils sont directement gérés par les banques centrales, cela signifie-t-il que celles-ci administreront également les comptes de ceux qui détiendront ces nouvelles monnaies ? Ce serait alors la fin des banques commerciales, puisque les agents économiques auraient tout intérêt à laisser leurs dépôts sur les comptes de leur banque centrale. Au final, la nouvelle monnaie chasserait l’ancienne et tous les comptes bancaires seraient centralisés par les autorités monétaires.
Aux Etats-Unis, la Fed a toujours écarté cette éventualité. En Chine, l’e-CNY est diffusé à travers 6 banques commerciales. La Banque centrale suédoise, l’une des plus avancées parmi celles des 25 pays qui poursuivent aujourd’hui un projet de MNBC – le projet d’e-krona a été lancé dès 2017 et sa phase exploratoire… sans cesse reconduite depuis – a retenu a priori une solution comparable, étendue à toutes les banques commerciales. Toutefois, il serait question de passer par ces dernières pour changer ses couronnes en e-krona. Il s’agirait donc bien d’une autre monnaie et la question se repose inlassablement : pourquoi donc ? Pourquoi faire ?
Bien entendu, les véritables objectifs ne sont peut-être pas énoncés et beaucoup ne manquent pas en ce sens de prêter aux banques centrales de sombres intentions : la suppression du cash et la surveillance des individus à travers la centralisation et la supervision de leurs comptes courants, avec la possibilité de leur faire subir des pénalités financières en cas de comportements jugés non conformes.
Cependant, de telles orientations sont en réalité indépendantes des MNBC. Il n’y a nullement besoin des gigantesques usines à gaz dont la gestion par les banques centrales de l’ensemble des comptes bancaires supposerait la mise en place, pour supprimer le cash ou surveiller et saisir les comptes courants des individus.
Pas davantage que les MNBC ne sont nécessaires pour mettre en place de nouveaux systèmes de paiement par requête et instantanés, comme l’illustre le récent succès du système PIX lancé par la Banque centrale brésilienne.
Avançons donc une autre explication. Avec leurs projets de monnaies numériques, les banques centrales ont peut-être surtout voulu répondre aux nouveaux systèmes de règlement et d’échange transnationaux apparus avec les crypto-devises, dont certains demain, comme Circle, pourraient très bien être à la fois mondiaux et privés. Quoique la réponse paraisse encore bien incertaine, il s’agit peut-être surtout de répondre à de nouveaux modèles qui rendent inutiles non pas tant les banques commerciales que… les banques centrales.