Dans un récent billet, nous avons souligné qu’à la différence des banques, prises dans une logique multicanale dont elles peinent à sortir, où les canaux se font concurrence et où les accès digitaux vident les agences, la grande distribution a davantage opté pour une approche crosscanale, où les différents canaux se complètent et se renforcent, les magasins physiques demeurant leur point de convergence. La question qui nous a été plusieurs fois posée est ainsi de savoir si des solutions comparables n’émergent pas également dans le monde bancaire. De fait, quoique peu nombreuses encore, de telles approches sont effectivement apparues. La plateforme E-immo du Crédit Agricole, lancée en juin 2013, en fournit à ce stade sans doute le meilleur exemple.
Pour les particuliers acheteurs de biens immobiliers, leurs recherches ont désormais lieu à 80% en ligne. A partir de là, une idée simple consiste à leur proposer de souscrire des crédits immobiliers également en ligne. Pourtant, les essais en la matière ont été peu concluants et ce n’est pas l’approche qu’a exactement retenu le Crédit Agricole avec e-immo, qui vise plutôt à devenir le site internet expert du crédit immobilier.
On y trouve des outils de simulation, des guides, une boite de dialogue. On peut y disposer d’une assistance vocale ou par tchat. On peut également y formuler des demandes de crédit, qui trouvent une réponse de principe quasi immédiate et permettent d’obtenir un rendez-vous sous cinq jours. Toutefois, au stade de la commercialisation, la plateforme devient un simple instrument commun de relation client pour les différentes Caisses régionales et 90% des contrats sont signés en agence. E-immo suit une logique click to store et non de marque propre.
Tous les principaux canaux, ainsi, sont mobilisés. Et ils aboutissent finalement aux agences. A travers eux, différents niveaux d’expertise sont accessibles : une expertise générale et immédiate en ligne ou bien tenant davantage compte de la situation particulière des emprunteurs en agence.
Avec 700 000 visiteurs par mois et 350 000 demandes de crédit, la plateforme est également un outil de prospection pour les Caisses, qui n’apparaissent cependant pas en front line. C’est là un autre aspect essentiel du crosscanal : les canaux digitaux ne doivent pas servir uniquement à relayer les offres courantes. Ils doivent permettre de conquérir des territoires nouveaux. E-immo s’est ainsi logé sur le site SeLoger.com, où il apparait, quasiment seul, sur la page « Financer ». Dès lors, la plateforme a permis d’augmenter la production de crédits immobiliers des Caisses de 2,5 milliards € en 2014, avec 51% de non clients du Crédit Agricole et une moyenne d’âge, pour l’ensemble des clients (34 ans) de cinq ans moindre que celle des emprunteurs immobiliers du Crédit Agricole.
On peut imaginer beaucoup d’extensions pour une plateforme comme E-immo. Dans le cas du Crédit Agricole, on pense bien entendu à Square Habitat. Mais est-ce la meilleure piste ? L’important est qu’une plateforme de ce type fonde la relation bancaire sur l’expertise et la réactivité, en présentant, au choix, différents niveaux de mise en relation, de la souscription directe en ligne à la rencontre personnalisée en agence. L’enjeu n’est peut-être pas d’y greffer une place de marché d’offres immobilières, répondant à une autre logique. L’enjeu est sans doute plutôt d’étendre l’approche retenue aux autres produits et services bancaires.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor.