Voyez-vous un point commun entre ces trois différentes initiatives ?
- Quatre caisses régionales bretonnes du Crédit Agricole lancent l’appli « Mon conseiller », qui permet de gérer à distance le contact direct avec son chargé de compte.
- Fivory, le nouveau porte-monnaie électronique du Crédit Mutuel, intègre une galerie virtuelle, une place de marché.
- En Grande-Bretagne, les Virgin Money Lounge ne sont pas des agences bancaires. Rien en effet ne permet particulièrement d’y traiter des opérations financières. Ce sont de simples lieux de détente pour les clients de la banque Virgin, selon une logique de club (il faut s’enregistrer, indiquer sa boisson favorite, etc.).
Alors ?
Ces trois initiatives peuvent paraitre sans grand rapport entre elles. Pourtant, chacune à sa façon témoigne d’une nécessité que les banques sont en train de découvrir ; une nécessité qu’impose la multiplication en cours de canaux de contact et de traitement des opérations bancaires : agences, centres d’appels, ordinateurs, mobiles, tablettes, réseaux sociaux, … Si les banques n’intensifient pas, n’enrichissent pas la relation qu’elles entretiennent avec leurs clients, les services financiers se réduisent de plus en plus à quelques clics et la plupart des canaux risquent de se cannibaliser les uns les autres, la plupart d’entre eux se révélant assez largement inutiles. Sans parler de l’apparition de nouveaux acteurs faisant concurrence aux banques sur les mêmes nouveaux canaux.
En d’autres termes, sachant que la plupart de nos interactions avec notre banque sont simples et répétitives (consulter ses comptes, remettre des chèques, effectuer des virements, retirer de l’argent), dès lors qu’un écran, celui d’un GAB, d’un ordinateur ou d’un mobile, permet de le faire de manière simple, commode, sans contrainte d’horaires ou de lieu, il a vocation à recueillir la quasi-totalité de ces interactions. Or qu’ont les banques à proposer d’autre ? Leurs produits ? Mais la souscription de ces derniers se standardise également beaucoup et les demandes des clients aussi bien. Avec les nouveaux canaux, les offres sont par ailleurs constamment soumises à comparaison, ce qui n’est pas excellent pour les marges. Le plus des banques est-il dans le conseil personnalisé qu’elles sont à même de dispenser ? C’est aujourd’hui le grand mot mais les banques ne surestiment-elles pas leurs capacités en ce domaine, dès lors que les clients sont de mieux en mieux informés et que les impératifs de vente, dans certains réseaux, ont pris le pas ces dernières années sur la formation des chargés de clientèle ?
Certes, compte tenu des moyens déployés (les GAB en premier lieu) la baisse de fréquentation des agences n’a rien que de très normal – la seule chose surprenante est qu’elle ait été si peu anticipée ! Cela ne justifie pas la fermeture de beaucoup d’entre elles cependant. Le contact personnalisé direct reste déterminant et compte tenu du nombre de clients qu’ils gèrent, en recevoir la plupart et les conseiller a largement de quoi occuper les chargés de clientèle. Mais, pour cela, il faudra dans bien des cas rendre d’abord la relation plus facile, plus fréquente et plus riche – il faudra l’intensifier et c’est en cela que l’appli « Mon conseiller » prend tout son sens.
Il faudra rien de moins que rebâtir la relation bancaire pour tenir compte de la fidélité et des dépôts dans la tarification, pour apporter des solutions aux difficultés propres (le récent Plan Préférence Client 2016 de BNP Paribas a donné lieu à cet égard à des annonces très intéressantes). Bref, abandonner un marketing largement orienté produits et partir des attentes des clients, ce qui inclut leurs craintes et leurs refus face aux banques et ce que recouvre la notion de maturité client, qui a encore bien du mal à percer en France. Aller vers plus de personnalisation et même d’affiliation. Ce sont là deux tendances fortes aujourd’hui, qu’illustre parfaitement l’initiative de Virgin Money – initiative onéreuse (le coût moyen d’aménagement d’un Lounge est de 750 000 £) mais qui parie sur une clientèle haut de gamme.
Au-delà, intensifier la relation client, c’est encore élargir l’offre à des services non bancaires, valoriser les (énormes) bases de clientèle fidèle dont disposent les banques. C’est pourquoi – voyez Fivory – malgré une quasi succession d’échecs depuis plus de dix ans, les banques n’abandonnent pas l’idée de développer des places de marché BtoB et BtoC. Nous en reparlerons bientôt.
Au total, trois initiatives différentes mais importantes et tendant toutes vers un même but d’intensification de la relation client, en réponse à une multiplication des canaux qui, cela n’avait guère été vu, banalisent et en ce sens appauvrissent la relation bancaire. C’est la clé du multicanal, qu’on le nomme aussi bien « cross » ou « omni-canal » et c’est un constat, bien plus important que la baisse de fréquentation des agences, que les banques ne peuvent plus contourner.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor