La Caisse d’épargne Bourgogne Franche Comté a récemment lancé un nouveau modèle d’agence, un concept store, à Nuits-Saint-Georges. Plutôt discrète, l’initiative pourrait presque passer inaperçue. Pourtant, alors que la plupart des banques françaises ont aujourd’hui arrêté les premières orientations d’évolution de leurs réseaux d’agences, l’approche de la CEBFC est particulièrement intéressante.
Quatre choses sautent aux yeux lorsqu’on découvre cette nouvelle agence, située dans la rue principale de Nuits-Saint-Georges. La première est qu’on ne se retrouve pas, pour une fois !, dans un endroit technoïde et glaçant, avec des écrans tactiles partout et des couleurs criardes. Ici, l’ambiance est plutôt cosy, le modèle (discret) ayant été celui des cafés philo. Des ouvrages sont proposés aux clients qui attendent.
En France, ce modèle est assez original. Plutôt que le modernisme, les valeurs retenues sont celles du terroir et – de manière singulière et judicieuse – l’écrit.
Avons-nous là un nouveau modèle d’agence ? Pas exactement car la CEBFC ne cherche pas à définir un modèle mais plutôt à tester certaines dispositions. En ce sens, c’est la deuxième chose frappante, l’agence évite toute ostentation. Extérieurement, elle est assez banale – très loin d’une agence flagship au centre d’une grande ville.
On ne trouve pas ici ces effets de démonstration qui apparaissent ailleurs mais qui risquent de faire assez vite long feu : écrans LED, convivialité forcée ou de façade (les rencontres sur canapé, les bars, etc.). Un espace jeu pour les enfants a été installé mais il n’a pas été mis en devanture pour surprendre – trop proche de la porte, cela n’aurait pas rassuré des parents en rendez vous.
L’agence affiche d’autant moins ostensiblement sa nouveauté que – c’est la troisième chose frappante – on n’a pas modifié son organisation : un guichet d’accueil et des bureaux individuels pour les chargés de clientèle. Beaucoup de nouveautés ont été introduites mais dans un cadre demeurant tout à fait standard. C’est ce qu’il y a de plus original et nouveau !
Si l’on considère en effet les nouveaux modèles que proposent d’autres réseaux, il est clair que la plupart des banques françaises ne raisonnent pas de la même manière. Elles semblent convaincues que leurs agences ne servent presque plus à rien et certaines ainsi entendent les rationnaliser drastiquement, en modifiant leurs formats et leur organisation ; tandis que d’autres s’efforcent encore d’inventer de nouvelles agences ultramodernes, craignant qu’autrement leurs clients, surtout les jeunes, ne veuillent plus s’y rendre. Au fond, presque tout le monde semble convaincu que les clients ne veulent plus des agences. Pourtant, rien de valide véritablement un tel attendu !
A Nuits-Saint-Georges, en tous cas, le pari est différent : il y a une baisse de fréquentation indéniable mais qui ne marque pas un rejet de la part des clients et qui signifie encore moins que les agences seraient devenues inutiles à leurs yeux. Il y a plutôt chez les clients une nouvelle façon d’utiliser l’agence qui se traduit par une fréquentation moins soutenue, en même temps que par une demande de relations plus qualifiées et personnalisées. Il ne s’agit donc pas de changer le rôle des chargés de clientèle mais de le renforcer, en accordant déjà plus d’attention et de confort aux clients. Il ne s’agit pas de bouleverser les relations d’agence mais simplement de mettre celles existantes davantage en valeur. Et, à partir de là, il doit être possible de développer de nouveaux usages, de donner aux relations bancaires plus de dimensions. Pour la CEBFC, l’idée est ainsi d’aller vers l’éducation financière et de faire des agences, ponctuellement, des lieux de vie à travers des événements, comme des « cafés finance » ; aller, au niveau local, en d’autres termes, de l’agence espace public à l’agence espace commun.
Si l’on écoute les enquêtes clients aujourd’hui, une telle orientation est plutôt celle qu’ils souhaitent. Cependant, il ne s’agit même pas de savoir en l’occurrence qui a raison ! Il suffit d’imaginer l’impact d’une telle approche, dès demain, avec des concurrents qui auront faits des choix plus radicaux mais aussi plus hasardeux, comme une digitalisation prioritaire, rendant le contact en agence optionnel ou très cantonné, ou encore un accueil mutualisé, avec des contacts plus anonymes.
Alors que les clients et les personnels – dont l’adhésion sera déterminante pour toute évolution prochaine des agences – entendent actuellement de partout que les agences sont promises à disparaître, au moins sous leur forme actuelle, une approche comme celle que développe la CEBFC est la mieux à même de rassurer, tout en faisant évoluer profondément les pratiques bancaires. De sorte que la quatrième chose frappante est un étonnement : pour une banque, une telle approche est finalement la plus commode. Pourquoi dès lors avons-nous dû aller jusqu’à Nuits-Saint-Georges pour la rencontrer ? Cela confirme en tous cas notre rengaine : aujourd’hui, en France, la banque de détail se réinvente d’abord en Province.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor
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