Début 2018, pour gérer les paiements sur sa plateforme, eBay choisissait de s’appuyer, plutôt que sur son ancienne filiale Paypal, sur la fintech Adyen. Paypal perdait ainsi, d’un coup, ce qui avait été sa principale rampe de lancement et se retrouvait, déboussolée, avec des millions d’utilisateurs mais peu d’offres à leur proposer et aucun service qualifiant. Que faire ? La réponse semblait évidente : devenir une vraie banque. Capitaliser sur son immense base clientèle en développant des services financiers. Cette orientation n’a cependant pas été retenue et, aujourd’hui, Paypal s’en félicite. Elle ne veut surtout pas devenir une vraie banque ! Quant à l’évolution des services financiers et bancaires, c’est un tournant stratégique considérable.
Alors que Paypal réfléchissait à son avenir, l’intérêt se portait au même moment sur les super-app chinoises, Alipay et WeChat, montées par des géants de l’internet et qui étaient en train de bancariser la population chinoise à tours de bras, en réussissant ce que personne n’avait réussi ni même réellement tenté en Occident : coupler banque, services en ligne et e-commerce. En fait, de l’exemple des Alipay et WeChat, une autre conclusion pouvait être tirée, qui allait décider de l’avenir de Paypal : pour l’essentiel de nos dépenses, de la gestion de notre argent et de notre vie financière, il n’est plus besoin de banque !
Paypal vient donc de présenter sa propre super-app le mois dernier. Elle se compose de plusieurs modules : tableau de bord de la vie financière, centre de paiements, produits financiers, galerie marchande personnalisée (à travers cashbacks et avantages). Pour Paypal, qui compte 400 millions d’utilisateurs, l’objectif est d’en compter un milliard qui utiliseront l’appli quasiment tous les jours.
Il ne s’agit là que d’une première version, qui a vocation à constamment s’enrichir en termes de services et d’offres. Mais, pour Paypal, il ne s’agit pas développer des services financiers propres. Pas davantage que les produits que proposeront les commerces à travers la galerie marchande de l’appli. La super-app sera une plateforme et, pour ce qui concerne les produits financiers, un « hub bancaire ».
Pour Paypal, l’enjeu n’est donc pas de développer des services financiers mais de centraliser ceux des banques, comme de bien d’autres acteurs et ainsi d’en faciliter et d’en enrichir l’emploi. Toute la stratégie repose sur l’engagement client. C’est exactement celle des GAFAM, avec qui Paypal partage d’avoir connu un développement accéléré et, dès le départ, international. Ceci lui fournissant un socle d’utilisateurs pour rentabiliser ses investissements avec lequel aucun établissement financier ne peut plus rivaliser.
Paypal répond en fait à la menace que les Big Tech pourraient représenter pour l’industrie bancaire en la devançant ! En appliquant ce qu’ils pourraient être tentés de faire. Ce que Google a justement choisi de faire.
D’autres concurrents pourraient également apparaitre, avec la même stratégie. On peut notamment penser à Visa et Mastercard. Ainsi qu’à quelques néobanques, peut-être, comme Revolut. Mais les banques classiques ? Paypal ne les considère même pas en concurrentes. Il compte les inviter plutôt à proposer leurs services sur sa plateforme. Sachant qu’elles y perdront, bien sûr, à peu près tout, avec la relation de premier contact avec leurs clients, ainsi que ce qui concerne la gestion de leurs comptes et de leurs dépenses.
Bien entendu, rien n’est encore joué. Mais il convient de souligner que le mois dernier, en présentant sa nouvelle super-app, un acteur majeur comme Paypal, a fait exactement comme si les banques n’étaient quasiment plus parties prenantes aux principales évolutions que vont connaitre les usages financiers.
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