Il n’y a pas si longtemps encore, on apprenait aux jeunes chargés de clientèle en tout début de carrière qu’un banquier ne rit pas. Jamais. Les choses ont-elles beaucoup changé ? En France, les banques n’hésitent pas à émailler leurs publicités de clins d’œil et d’humour mais enfin le sens de la dérision et la capacité à rire de soi ne caractérisent pas vraiment le monde bancaire. Ailleurs, cependant, les banques n’hésitent plus à donner une orientation humoristique et joyeuse à leur marketing. The Financial Brand en a ainsi récemment présenté une centaine d’exemples (101 Marketing Ideas for Banks & Credit Unions).
Cela se passe surtout aux USA, où les banques peuvent profiter de coutumes assez générales, qu’il s’agisse des poissons d’avril – les plus grandes entreprises y consacrent (voir cette page) – des clips d’horreurs pour Halloween (voir cette page), des voitures bariolées ou des chars de parade.
Au-delà, pour surprendre, amuser, certains établissement n’hésitent pas à déployer quelques moyens : en Turquie, Garanti a parachuté des cadeaux depuis un dirigeable. Aux USA, les Whirlwind of money machines ont visiblement un certain succès :
En Italie, ING n’a pas hésité à installer une vraie personne sur un panneau d’affichage au flanc d’un bus (!) :
Toutefois, la plupart du temps, il s’agit de choses beaucoup plus simples et bon enfant : solliciter ses clients pour trouver le nom d’une nouvelle agence, organiser des soirées ciné dans les agences (Umpqua Bank). Organiser des compétitions entre banques. Introduire les animaux domestiques dans les agences – un Saint-bernard dans chacune des agences du Sunova Credit Union, par exemple. Adopter un gros chat (une caricature courante du banquier aux USA) et inviter les clients à lui trouver un nom. Choisir une mascotte, plutôt grotesque bien sûr.
Et encore : organiser une tombola dont l’un des prix donnera la possibilité de balancer une tarte à la crème dans la figure d’un des patrons de la banque (lesquels se prêteront au jeu pour la bonne cause : c’est une tombola humanitaire). Hm, imaginerait-on vraiment cela en France ?
Au-delà, cependant, certains établissements n’hésitent plus à cultiver une véritable dérision. Cadeaux de remerciement inhabituels. Messages incongrus sur les panneaux publicitaires (et seulement compréhensibles par les locaux), ainsi que dans les offres d’emploi (Coast Capital a fait passer cette annonce en 2008 : « Wanted : Marketing People. Also, Donuts. »). Passages délirants dans les mentions légales ou dans les messages téléphoniques d’accueil. Choix de porte-paroles aux voix ou au look bizarres. Titres absurdes affichés par les cadres vis-à-vis des clients (Connex Credit Union a nommé un « Vice-President of Unbanking »). Inviter ses clients à battre un record mondial, si possible complètement débile (Comm. Bank of Australia est entrée dans le Livre des records pour avoir réuni le plus grand nombre de personnes portant le même t-shirt sur une photo). Organiser des manifestations contre les banques. Etc.
Tout cela peut paraitre simplement loufoque mais ne l’est pas. D’abord, alors que l’image des banques s’est partout beaucoup dégradée depuis la crise, de telles initiatives sont à même de surprendre et de désarmer les critiques les plus acerbes.
Ensuite, un tel marketing coûte beaucoup moins cher et peut être bien plus efficace (surtout dès lors qu’il trouve aujourd’hui à être relayé sur les réseaux sociaux) que bien des campagnes de publicité qui – toutes les études l’indiquent – ont souvent tendance à se confondre aux yeux du public. De plus, ces initiatives sont la plupart du temps très locales. Elles renforcent l’identité propre de la banque et des équipes sur le terrain, ce qui est important alors que les agences drainent naturellement moins de visiteurs qu’auparavant.
Enfin, bold banks have all the fun! Tout cela participe d’un état d’esprit poussant à rompre avec les codes, la routine, en même temps qu’il favorise l’audace, l’imagination, ce qui n’est pas négligeable alors que nombre des activités bancaires les plus classiques sont aujourd’hui à un tournant. Imaginez donc comme les banques changeraient si le sens de l’humour devenait l’un de leurs critères de recrutement !
P. ADOUX & T. LOWRY/Score Advisor