Lancées il y a une dizaine d’années, les applis de gestion des finances personnelles (ou PFM, Personal Finance Management) fournissent une assistance pour mieux gérer ses dépenses et ses comptes bancaires – tous ses comptes, qu’elles proposent désormais d’agréger, si les utilisateurs en sont d’accord, quels que soient les établissements qui les tiennent. Malgré une utilité certaine, ces outils n’ont pas véritablement percé : un tiers des Français savent (souvent à peu près) de quoi il s’agit et moins de 10% les utilisent vraiment (les taux d’abandon sont très élevés et les abandons souvent très rapides, beaucoup intervenant dans les trois à cinq jours qui suivent la première ouverture). Les outils de PFM doivent donc évoluer. Mais sans doute pas comme on l’imagine le plus souvent.
Le PFM a été l’un des domaines qui ont été les plus investis par des fintech, avant d’être très largement adopté par les applications digitales des banques (visualisation des dépenses par catégories, périodes, etc.). Ainsi, alors que certaines fintech ont noué des relations étroites avec des banques, en marque blanche (Strands, Meniga, MX Technologies/Money Desktop, Linxo en France) ou dans le cadre d’un rapprochement (Level Money avec Capital One, Tink avec BNP Paribas), beaucoup de tentatives d’évolution et de diversification ont déjà été menées.
Pour l’essentiel, on a voulu apporter une dimension de conseil aux outils de PFM. Une assistance à la confection et à la tenue d’un budget (Learnvest), accompagnée de menues liquidités pour éviter les découverts (Dave) et de fonctions complémentaires comme la détection de frais indus (BillGuard) ou même une véritable délégation de gestion de revenu (Even).
De là, on est passé au coaching financier, qu’il s’agisse d’épargne, de placements ou de crédit. Et de là encore à des propositions directes de produits financiers, en partenariats ainsi qu’en visant la constitution de places de marché (Mint, Bankin’), en mobilisant parfois le réseau des utilisateurs (Impok).
Actuellement, on s’oriente plutôt vers l’analyse des comportements, pour repérer notamment les grands moments de vie (l’un des premiers exemples en fut fourni par la fintech Geezeo) et délivrer à travers les outils de PFM des conseils contextualisés. Toutefois, l’analyse des comportements est complexe, délicate et elle peut conduire à des sur-sollicitations contre-productives vis-à-vis des clients.
Par ailleurs, une orientation en matière de data-management pourrait rendre assez vite caduques ces approches qui, quasiment toutes, confinent l’utilisateur dans un rôle assez passif, principalement réceptif et qui tentent de cerner, comme à son insu, ses habitudes, comportements et intentions. Des approches à travers lesquelles les établissements, banques ou fintech, restent maîtres des données et de la manière dont elles sont proposées.
Par comparaison, certains commencent ainsi à s’intéresser aux acteurs de l’analytics AI driven, comme la licorne ThoughSpot (créée en 2012 à Sunnyvale en Californie). Leurs solutions restituent, sous forme de représentations graphiques, des données de tous types à travers un moteur de recherche en langage naturel. L’utilisation de l’intelligence artificielle fait qu’il n’est plus besoin, en effet, de formuler une requête SQL, tout en arrivant à des demandes suffisamment précises.
Ces solutions sont surtout proposées en usage interne aux entreprises mais elles commencent à être utilisées pour le service client. En fait, on peut assez facilement les imaginer se généraliser dans le cadre de l’utilisation des applis bancaires et même de la simple gestion des comptes. Or cette généralisation de la restitution à la demande des données personnelles sous format graphique et synthétique ouvre une perspective intéressante car elle déplace complètement l’approche actuelle en matière de PFM. Non plus s’efforcer de confectionner un outil délivrant des informations préformatées qui doivent répondre aux différents besoins des clients – ce qui semble un objectif plutôt ambitieux ! – mais fournir des données suffisamment fiables, complètes et pertinentes.
L’évolution des outils de gestion de finances personnelles pourrait ainsi ne pas tant porter sur les outils eux-mêmes et leur utilisation que sur la qualité et l’enrichissement des données personnelles qu’on peut restituer aux clients. Ce qui fournit également une très bonne manière, concrète, de repenser le conseil qu’on est à même de leur délivrer de manière personnalisée.
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