SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecom) est un réseau interbancaire mondial de communication. Un système très sécurisé d’échange d’informations entre les banques qui en sont membres, qui leur permet de traiter leurs opérations. Aujourd’hui, 90% du financement du commerce international passe ainsi par Swift.
Il y a quelques mois, Swift et la Chambre de commerce internationale (ICC) ont officiellement lancé le « BPO » (Bank Payment Obligation) qui a vocation à se substituer aux crédits documentaires tels qu’ils sont actuellement réalisés. Présenté ainsi, le sujet est assez aride et, de fait, il n’a été relayé que par la presse spécialisée dans les techniques du commerce international. Pourtant, le BPO offre un modèle qui, demain, pourrait bien valoir pour l’ensemble des paiements.
Il ne peut s’agir ici d’exposer les principes du crédit documentaire. Disons très rapidement, pour ceux qui en ignorent tout, que le commerce international met en contact un vendeur et un acheteur de deux pays différents, parfois très éloignés, ce qui crée une évidente situation d’incertitude : s’il paie, l’importateur sera-t-il livré ? S’il expédie, l’exportateur sera-t-il payé ? Bien entendu, une telle incertitude est créée par tout acte d’achat mais elle est exacerbée dans un contexte international (situation politico-économique des différents pays, voies de recours, etc.). Pour y remédier, l’acheteur et le vendeur vont faire intervenir leurs banques, lesquelles vont organiser le paiement au vu de documents d’attestation, portant notamment sur la livraison réelle de la marchandise. Les banques pourront également proposer à leurs clients des garanties (contre le risque pays, par exemple) ou des financements.
Le problème est que tout ceci est assez complexe, long et lourd à gérer, puisqu’il se fonde sur la validation d’une documentation technique sous format papier, dont le simple acheminement est parfois plus long que celui des marchandises. Depuis sa création, en 1973, Swift a permis de dématérialiser et de standardiser les échanges d’information entre banques (ex : ouverture du crédit documentaire) mais pas entre vendeur et acheteur (bons de commande, factures, …) ni vis-à-vis des intermédiaires (douane, transporteurs, …).
Le BPO simplifie considérablement tout ceci en jouant pleinement des facilités qu’apporte la dématérialisation des actes commerciaux : la banque de l’importateur prend l’engagement irrévocable de payer la banque de l’exportateur au vu d’un process de déclaration et de validation formelles gérées sur une plateforme de Swift (TSU). La documentation papier disparait du process, remplacée par des messages aux normes ISO 20022 qui véhiculent toute l’information que cette documentation apportait jusque là. Dès lors : 1) le process de règlement ne peut plus être source de délais, il est instantané par rapport à l’échange de marchandises ; 2) les coûts de traitement baissent significativement.
Il est encore trop tôt pour se prononcer sur le futur succès du BPO – que d’ores et déjà quelques multinationales, comme BP Chemicals ont adopté. Mais, d’emblée, plusieurs éléments de ce système sont frappants :
- L’apport opérationnel de la dématérialisation des actes commerciaux passe par leur forte standardisation/simplification – en l’occurrence menée par l’ICC dans la définition des Uniform Rules of BPO.
- La valeur ajoutée qu’est à même de procurer un système interbancaire est particulièrement importante : dimension universelle (Swift compte 9 700 membres, dans 209 pays) permettant à tous les acteurs économiques de réaliser des transactions, rôle quasi notarial de tiers de confiance (non répudiation des échanges Swift, archivage). Ces éléments sont à souligner, alors que de nouveaux acteurs non bancaires sont aujourd’hui tentés de s’immiscer dans le marché des paiements.
- L’opportunité pour les banques de développer ou de renforcer certains services (financement, gestion de trésorerie, …) dans le cadre d’une chaîne de traitement dématérialisée. Sans parler de la possibilité d’agir en marque blanche sur les BPO, au profit d’autres banques qui n’auront pas un flux d’opérations suffisant pour s’y lancer.
De tout cela, on peut retenir qu’un avenir des paiements se dessine ici, qui pourrait bien se généraliser et qui passe par l’intégration, à travers la dématérialisation des actes commerciaux, des échanges réels et des flux de règlement. La clé ? Une messagerie interbancaire standardisée capable d’accompagner les flux de paiement – exactement ce que propose le projet Sépamail en France, dont nous avons plusieurs fois souligné sur ce site le caractère prometteur.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor