On en parle beaucoup moins que du crowdfunding mais le trading social est aussi innovant, suscite la création de presque autant de startups fintech et ne bouleverse pas moins les règles du monde financier. Petit tour d’horizon de pratiques émergentes qui pourraient bientôt changer considérablement la manière dont les particuliers gèrent leurs investissements financiers.
A l’origine, il y a une poignée de startups créées ici et là : à Boston (Covestor, 2005), à Vienne (Wikifolio, 2008) ou à San Diego (StockTwits, 2008). Depuis, bien d’autres se sont lancées à leur tour (ThinkNum, CashBoard, …). Une plateforme a même vu le jour à Kampala, en Ouganda : FX Trader Ltd. La plupart sont tournées vers les marchés financiers mais certaines visent plutôt le private equity (Artivest, AngelList Syndicates). Prioritairement dédiées aux investisseurs professionnels, certaines ont élargi le recrutement de leurs clients et dépassé le million d’investisseurs, comme eToro (basée à Chypre, créée en 2007) ou TR Data (Lucerne Valley CA, 2009). Ce que l’on appelle désormais le Trading social efface ainsi les frontières entre amateurs et professionnels. Il démocratise l’accès aux marchés financiers. Tout un nouveau modèle se met en fait en place à travers les différentes plateformes.
Pour celles-ci, l’enjeu est d’abord de favoriser les échanges entre investisseurs, sur le modèle des réseaux sociaux. Créer une communauté et des sous-groupes. Susciter l’apparition d’investisseurs leaders, que les autres choisiront de suivre et offrir la possibilité de devenir leader… à n’importe qui !
Ensuite, donner à chacun les moyens de réaliser des opérations sur les marchés financiers au moindre coût. Ce point est déterminant et il passe en premier lieu par la communication et l’appropriation par tous des données financières (en ayant généralement recours au standard XBRL). C’est un terrain sur lequel la créativité des startups peut particulièrement se donner libre cours, qu’il s’agisse d’élaborer des tableaux de bord, comme avec la nouvelle plateforme australienne Simply WallSt :
Ou qu’il s’agisse de démocratiser les recherches algorithmiques, avec Quantopian ou QuantConnect.
Enfin – et c’est ici que le trading social devient vraiment étonnant – il faut permettre aux investisseurs, professionnels ou amateurs, non seulement de définir leur stratégies propres mais de convaincre les autres de les suivre et d’être rémunérés en conséquence. Chacun est ainsi invité à devenir trader. Pour les particuliers, reconnaissons-le, c’est une manière assez nouvelle d’envisager l’investissement !
Comment organiser tout cela ? L’une des plateformes les plus intéressantes de ce point de vue (ayant d’ailleurs su convaincre d’entrer à son capital aussi bien Goldman Sachs que JP Morgan Chase) est Motif Investing. A travers elle, on n’investit pas simplement dans des valeurs mais sur des stratégies et des projets. On investit sur des valeurs regroupées par idées, tendances ou stratégies sectorielles. Chacun peut ainsi mettre en avant ses motifs d’investissement et, s’il rallie d’autres investisseurs, gagner directement une commission (peu élevée cependant : 1$ par suiveur).
Au total, de nouvelles manières d’investir sont apparues dont il faudra bientôt tenir compte. Certes, alors que les banques sont encore pour la plupart d’une grande timidité face au crowdfunding, on n’imagine pas facilement qu’elles puissent de sitôt créer des plateformes de trading social ou s’associer à certaines plateformes existantes pour leurs clients désireux de gérer activement leurs investissements. C’est pourtant ce que propose, en France, Saxo Banque, qui a fait du trading en ligne une offre attractive, pour laquelle elle a défini tout un cadre d’apprentissage, à travers simulations et formations.
En fait, tout de même que les banques sont en train de réaliser que le crowdfunding représente plutôt pour elles une offre complémentaire, il y a fort à parier que l’exemple de Saxo Banque ne restera pas unique. D’abord parce qu’en période de taux très bas, le trading social répond à une demande évidente d’investissement dynamique chez certains clients de plus en plus connaisseurs. Ensuite, parce que le trading social participe des fonctionnalités nouvelles que les banques développent désormais pour leur clientèle, ces outils de Personal Finance Management qui du simple suivi de comptes évoluent vers une assistance à la maitrise de ses dépenses et vers le conseil à la gestion de son épargne. Le trading social en relève, sous un versant qui, avec son côté « salle des marchés à domicile », sent un peu le souffre. Néanmoins, si l’on retient le sage précepte qu’il n’y a pas de martingale sur les marchés mais seulement des stratégies opportunes, reposant souvent autant sur la clairvoyance que sur le bon sens, la démocratisation du trading pourrait bien avoir pour principal effet de démystifier la finance de marché.
T. Lowry/Score Advisor