Si vous appréciez les startups hyper-ambitieuses, qui promettent de changer le monde, le travail et le capitalisme avec. Si vous vous intéressez à la technologie de la blockchain et guettez ses premières applications grand public. Et si enfin vous êtes attentifs aux projets de grande envergure, développant des schémas originaux, Colony est faite pour vous. En fait, Colony concerne tout le monde estiment ses créateurs, qui ont choisi pour slogan : Whatever you do, join Colony !
Colony vient de sortir, en version bêta, une plateforme qui permettra à chacun, partout dans le monde, de créer une société avec d’autres – une « colonie » autogérée, avec un mode de décision collégial. Et pour n’importe quelle société, existante ou en création, ce sera également le moyen de fonctionner en s’appuyant sur un réseau de compétences quasi illimité et totalement ouvert. Chacun est rémunéré à hauteur de sa contribution en jetons, lesquels, émis dans une crypto-monnaie, le nectar, auront une valeur marchande et, comme n’importe quelle action, pourront être revendus. Plus la contribution est importante, plus on reçoit de jetons. C’est ainsi que chacun est rémunéré ; chacun pouvant participer à autant de colonies qu’il le souhaite, en renforçant ainsi sa réputation.
Si vous êtes « awesome » en quelque chose, même si ce n’est pas votre activité principale, vous allez ainsi pouvoir le faire valoir, comme cela reste inimaginable aujourd’hui. Il y a des talents partout, estiment les créateurs de Colony. Mais les opportunités pour les employer sont rares, trop localisées, pas assez connues ; tandis que les choix et procédures d’embauche sont contraignants et la recherche de talents souvent longue et très limitée. Les colonies dépassent ces contraintes. Pour autant, elles ne fonctionnent pas non plus sur un rapport client/fournisseur mais sous la forme de sociétés mutualisant apports et efforts, sans qu’il soit besoin pour leurs membres de se connaitre, de se faire confiance. Mise en contact et collaboration peuvent être instantanées et, toutes les dix minutes, des nectars sont émis pour récompenser les tâches accomplies.
Comment cela est-il possible ? En fait, Colony n’invente rien. Quant aux perspectives, il emprunte aux idées de Clay Shirky ou de Yochai Benkler sur la richesse des réseaux décentralisés. Il concrétise des idées aussi vieilles que le web, attendant que celui-ci rende possible l’apparition d’un monde débarrassé des pesanteurs hiérarchiques. Dans une colonie, chacun restera autonome et pourra même ne pas connaitre les autres membres.
Quant à la technologie, elle est celle des smart contracts sur blockchain (Ethereum en l’occurrence), ce que nous avons déjà présenté avec une autre startup très ambitieuse : Slock It. Les colonies sont des DAOs, rendues aussi faciles à développer que la création d’un Groupe sur Facebook.
Mais, de cela, Colony ne parle pratiquement pas. Il présente son offre en termes d’organisation du travail et non sous un angle technologique. Encore une fois, Colony s’adresse à tout le monde, mettant en avant les nouveaux comportements de travail qu’il rend possible, plutôt que son utilisation de la blockchain. Par ailleurs, au démarrage, pour lancer la plateforme, ses efforts concernent surtout la création d’un réseau sur Slack, qui compte lui-même déjà plus de 4 millions d’utilisateurs actifs quotidiens et dont Colony prolonge les offres.
Colony design la blockchain en d’autres termes – l’un de ses créateurs est d’ailleurs un artiste, ayant travaillé avec Damien Hirst – pour enclencher une révolution planétaire du travail ! Mais pour cela, encore, Colony ne part pas de rien. Il anticipe des mutations du travail sinon prévisibles, au moins envisageables désormais, dès lors qu’on compterait d’ores et déjà plus de 50 millions de travailleurs freelance ou assimilés aux USA. L’approche est visionnaire et, de manière plus immédiate, elle apporte une solution particulièrement intéressante pour les travaux menés en mode projet, avec un ensemble de tâches précises et ponctuelles ouvertes à des compétences multiples et variées.
Mais si elle est incontestablement séduisante, l’idée n’est pas si facile à concrétiser. Il a fallu plus de deux ans à Colony pour sortir une simple démo de sa plateforme. En fait, on ne peut manquer de poser la question : si la technologie de la blockchain a pu faire naître de telles idées, permet-elle vraiment de les concrétiser ? Son principe d’automatisation quasi autonome, dont on sait qu’il favorise de véritables obsessions idéologiques (éviter les contacts humains directs, les intermédiaires, prédéfinir chaque action envisageable, …) ne représentera-t-il pas un frein, face à des idées de grande envergure qui, comme celle-ci, pour prendre, nécessiteront beaucoup de flexibilité et souplesse ? Voici donc, avec Colony, la première application de grande envergure de la blockchain qui, finalement, invite à se demander si celle-ci est vraiment incontournable…
Guillaume ALMERAS/Score Advisor
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