Sorti au printemps (non encore traduit), ce livre, facile à résumer, a eu un certain écho. Sans doute s’inscrit-il dans l’air du temps. Il mérite donc un détour.
Le propos de l’auteur se résume en trois points :
- Il dénonce la « gentryfication of payments», c’est-à-dire selon lui ce que les médias s’efforcent de nous faire croire : que les gens bien, les gens aisés, n’utilisent plus de cash, que celui-ci appartient au passé et qu’une société cashless représente la modernité en marche.
- Pour l’auteur, derrière cette vision faussée se cachent Big Finance et Big Tech qui, ensemble, conspirent à mettre la main sur les données relatives à nos paiements, qu’elles s’efforcent donc de rendre totalement numériques.
- L’auteur plaide ainsi pour que l’usage du cash demeure, au titre d’un bien public et comme un dernier rempart contre le capitalisme intrusif.
Il y a dix ans, on nous expliquait que le bitcoin, pur instrument de spéculation, allait ruiner le capitalisme. Voilà maintenant le cash, ultime rempart censé protéger notre vie privée, dans un plaidoyer qui dénonce… la propriété privée. Oui car le discours est ici clairement progressiste (ce qui n’était pas le cas avec les premiers défenseurs du bitcoin, souvent libertariens). Brett Scott, ancien trader sud-africain est un « Financial Activist ». On ne s’étonnera donc pas que seuls les totems habituels (Big Finance, Big Tech, le « Capitalisme ») soient convoqués. A gauche, on ne met pas en cause l’Etat. Quid dès lors des monnaies numériques de banque centrale ? N’offrent-elles pas des perspectives de surveillance encore plus étouffantes, de type crédit social chinois ? Oui mais non, l’auteur passe vite. Dans la présentation de l’ouvrage, l’une des rares en français, L’ADN ne les évoque même pas.
Au total, voici un livre qui a dix ans de retard, qui « révèle » ce que le Big Data ne cache pas du tout : sa volonté d’exploiter nos données ; ce qui ne se limite certainement pas aux paiements et ce qui ne trouve, il est vrai, d’encadrement que bien limité, par exemple avec le RGPD, d’abord parce que cela ne fait pas l’objet d’un débat public. Ainsi, la dénonciation parait bien courte et la solution du cash bien convenue, propre à un activiste professionnel, qui fait par ailleurs sa pub… sur les réseaux sociaux.
Mais il faut en tenir compte. Sauver le cash va être le prochain combat et, avec lui, les automates et les agences, la banque traditionnelle. C’est déjà sensible au Royaume-Uni et Brett Scott affirme que c’est parce que les banques ferment leurs agences qu’on ne s’y rend plus et non l’inverse. Franchement, qui d’autre qu’un Financial Activist peut affirmer cela !?
Brett Scott, Cloudmoney. Cash, Cards, Crypto and the War for our Wallets, Penguin Books, 2022.
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