Mastercard, associé à la fintech suédoise Doconomy, vient d’annoncer la mise à disposition pour toutes les banques d’un calculateur de consommation carbone pouvant être lié aux dépenses enregistrées sur une carte de paiement ou sur un compte bancaire. A travers cette initiative, un tout nouveau rôle des banques se dessine.
Depuis plusieurs années, différents établissements financiers proposent à leurs clients de s’engager pour le climat à travers eux.
Il y a d’abord des établissements « engagés ». Avec eux, l’argent que vous laissez sur votre compte ne servira en rien à financer des activités polluantes. Ce principe de choix des déposants, déjà développé par des établissements comme le Crédit Coopératif, a été particulièrement retenu par quelques néobanques récemment lancées comme Helios (liée à Solaris Bank) en France. Et cette orientation introduit une mise en concurrence tout à fait nouvelle des banques – ainsi avec Helios, qui renvoie à cet effet à l’application Rift/Oxfam.
Le problème est que l’engagement des clients est alors assez passif et ne concerne pas leur propre consommation carbone. C’est pourquoi d’autres acteurs – comme par exemple la néobanque Bunq – permettent de calculer une empreinte carbone individuelle directement à partir de nos dépenses.
Pour ce faire, la plupart des acteurs se fondent sur le Åland Index, développé par la Bank of Åland, dont il est difficile de se prononcer sur la fiabilité et qui ne fournit de toute manière que des moyennes approximées de consommation de CO2. Toutefois, pour sa formule Green, Monabanq utilise, elle, les données de l’ADEME.
Quoi qu’il en soit, le principe est celui d’une prise de conscience, que Mastercard entend propager à l’échelle mondiale à travers les banques et la mise en place, associée à son calculateur, d’un système de récompenses, débouchant sur des projets concrets de reforestation. En quoi Mastercard ne fait que recopier l’initiative d’Alibaba/Ant Financial, lancée en 2016 : Ant Forest.
Dans le cadre de la Green Digital Finance Alliance lancée en partenariat avec le Programme environnemental des Nations unies, Ant Financial (la filiale financière d’Alibaba) a en effet mis en place un système de récompenses individuelles portant sur la réduction de sa consommation carbone à travers des comportements vertueux, comme l’usage des transports en commun ou les paiements en ligne (ce qui tombe bien pour Alipay, avec laquelle Ant Forest peut être couplée !). On gagne ainsi des points verts qu’Ant Financial convertit en plantations forestières – la plantation d’un arbre étant un acte symbolique traditionnel fort en Chine (voir la présentation vidéo ici).
Au total, le principe est celui d’une valorisation de certains comportements à travers une appli bancaire et à partir de là les activités bancaires changent de dimension !
L’idée est forte en effet : agissant directement sur les comportements, à travers le suivi et la maitrise des dépenses, les banques sont au cœur des changements sociaux et elles peuvent permettre à leurs clients d’agir sur beaucoup de choses – à travers un véritable travail de fourmis, c’est le sens même de « Ant Forest ».
Mastercard fait ainsi un pas vers cette nouvelle dimension, qui soulève un certain nombre de questions. Il suffit en effet de remarquer à quel point l’approche – plutôt infantilisante, avec ses bons points récompensant de petits efforts – est proche du système de crédit social chinois, dont Ant Financial a été le grand initiateur avec Sesame Credit. Avec les meilleures intentions, le compte CO2 pourrait être un puissant outil de contrôle et de dressage social.
Il n’y a cependant pas de fatalité mais seulement, à ce stade, l’obligation de réaliser, pour ceux que les évolutions financières intéressent, que ce qui se passe en ce domaine depuis plusieurs années en Chine, qui est considérable, n’a rien d’exotique.
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