Faut-il permettre, dans le cadre d’un crédit immobilier, de changer à tout moment d’assurance-emprunteur (laquelle est le plus souvent exigée pour l’obtention d’un crédit) ? Au-delà de son caractère technique et particulier, la question soulève de manière décisive une réalité bien plus générale et beaucoup trop ignorée.
Depuis 2010, plusieurs dispositions ont obligé les banques à ouvrir à la concurrence l’assurance-emprunteur liée aux crédits immobiliers. Les contrats peuvent ainsi aujourd’hui être résiliés annuellement. Or, le mois dernier, l’Assemblée nationale a voté une proposition de loi autorisant la résiliation infra-annuelle, donc à tout moment, de l’assurance emprunteur.
Quel est l’enjeu d’une telle disposition ? Les promoteurs de la loi parlent du respect du consommateur et avancent qu’il s’agit là d’une mesure de pouvoir d’achat qui ne coûte pas un euro à l’Etat.
Vraiment ? Il est estimé que la mesure pourrait engendrer pour les emprunteurs des économies allant de 5 000 à 15 000 € sur la durée totale des contrats. Soit, rapportée à la durée moyenne des prêts, une économie de 250 à 750 € par an, ce qui peut sembler une restitution de pouvoir d’achat assez symbolique par rapport à l’acquisition d’un bien immobilier.
En fait, l’enjeu concerne bien plus sérieusement les banques et les assureurs. Les banques ont bien entendu tout intérêt à vendre aux emprunteurs une assurance, dont on les accuse de surfacturer les primes. Tandis que les assureurs pourraient, eux, mettre plus largement la main sur un marché de 7 milliards €.
Qui croire ? Avant d’entrer dans le débat, il parait important de bien comprendre les arguments des banques en l’occurrence.
Elles estiment, en effet, que la possibilité d’une résiliation permanente conduira à une démutualisation des risques, avec une couverture à la carte qui aboutira à surenchérir les primes pour les moins favorisés. L’argument a été balayé par les députés. Pourtant, même si cela n’est pas facile à faire admettre en France, en l’occurrence, les banques pourraient bien avoir raison !
Mais encore s’agit-il de bien entendre ce qu’elles disent. Car que signifie cette « mutualisation des risques » ? Tout simplement que les meilleurs risques paient pour les moins bons, lesquels accèdent ainsi plus facilement au crédit !
Pour le marquer (mais sans exactement le dire) le Crédit Mutuel a récemment pris une initiative inattendue : supprimer les questionnaires médicaux et donc les éventuelles surprimes liées à un état de santé à risque pour l’octroi des crédits immobiliers. La mutualisation entre assurés sera ainsi encore plus forte. Une parade que l’on peut en l’occurrence saluer.
Face à cela, les assureurs ne peuvent que défendre la vérité des prix et des primes. Mais que signifiera-t-elle ? Que ceux qui empruntent avec le plus de facilité, les profils jeunes et aisés particulièrement, seront constamment démarchés et feront quelques économies, quand les autres verront, par rapport à la situation actuelle, leurs primes sans doute augmenter !
Eh oui, quand la Fédération des Banques Françaises défend le régime actuel de l’assurance-emprunteur au titre de la solidarité, elle n’a pas forcément tort !
En fait – et cela reste bien trop inaperçu – cette situation est assez générale en France dans les services bancaires. Lointain héritage d’une époque où les banques étaient quasi publiques, leurs services et tarifs ne distinguent pas ou distinguent peu les utilisateurs en fonction de leur rentabilité ; comme dans d’autres pays où les tarifs bancaires sont fortement modulés en fonction des montants de dépôts par exemple ou bien la souscription à certains services. De fait, en France, un grand nombre des clients des banques sont peu rentables, voire pas du tout. Mais il y une mutualisation des coûts : les autres paient en quelque sorte pour eux. En quoi il s’agit de bien savoir ce que l’on vise quand on parle de vérité des prix.
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