Depuis quelques décennies, avec l’essor des pays émergents, le monde compte de plus en plus de personnes fortunées et de plus en plus fortunées. De sorte qu’aujourd’hui, être millionnaire n’assure plus de pouvoir accéder aux services des banques de gestion de fortune les plus internationalement renommées. Sur ce triste constat, des néo-banques se lancent actuellement, comme Alpian ou 220. Leur stratégie est intéressante car elle amène particulièrement à poser une question qui concerne la banque de détail dans son ensemble.
Voici donc 220, basée à Londres et qui est en phase de lancement – de sorte qu’on la découvre davantage à travers la presse qu’en visitant son site. Elle vise explicitement les Youtubers, les jeunes fortunés et les enfants de stars. Autant de profils auxquels le style un peu compassé de la gestion privée traditionnelle peut paraître trop sévère et surtout trop compliqué. Car, selon les fondateurs de 220 Bank, dont l’un est lui-même un Youtube Gamer à succès, la population ciblée manque absolument de compétences financières.
Il s’agit donc de l’assister le plus instantanément possible. Ce qui veut dire la conseiller de manière simple (avec un robo-advisor) et lui rendre tout facile. Y compris pour les services propres à la gestion de fortune (conciergerie, networking, …). Pour les contacts, la vidéo sera privilégiée. Et l’on saura satisfaire quelques caprices (une carte de paiement en or massif si je veux !).
Il est frappant de voir à quel point les fondateurs paraissent convaincus du manque de compétences des 400 000 clients qu’ils visent à terme dans toute l’Europe. Ils ne vont pas jusqu’à dire qu’ils sont un peu cons mais, à les entendre, ils le pensent visiblement très fort. De là un modèle de banque tout facile, tout prémâché et tout digital. Comme si le client moyen des banques haut de gamme allait désormais être un ado éternellement attardé.
Or, si l’on regarde bien, la plupart des néo-banques pour le grand public ne semblent pas raisonner très différemment ! Elles tentent de mettre en place une banque instantanée en automatisant des process simplifiés et au moindre coût. La plupart des banques semblent aujourd’hui convaincues que c’est là ce qu’attendent les clients. Mais est-ce vraiment le cas ?
La question mérite particulièrement d’être posée dans le cas d’une banque qui vise en priorité des Youtubers et de startupers. Car, depuis près de trente ans, une génération qui a appris à se servir d’un ordinateur avant de savoir lire et écrire, n’a pas du tout un rapport passif au digital. Au contraire et l’on peut s’étonner qu’on lui propose des applis si peu sophistiquées, par comparaison avec le moindre jeu vidéo. Des applis bancaires n’offrant pratiquement aucune option de customisation, de niveau de service ou même de navigation.
C’est sans doute une clé pour comprendre pourquoi la banque digitale – et tous ses appendices, comme les assistants vocaux, qui s’efforcent de nous installer dans une passivité confortable – se développent si lentement. On vise les jeunes et on conçoit des outils digitaux dont auraient rêvés leurs grands-parents !
Les crypto-devises ont montré que des systèmes et des modes opératoires sophistiqués ne sont pas forcément rebutants, loin de là. Mais qui saura proposer une relation bancaire, certes simplifiée sous ses aspects administratifs mais plus complète et plus complexe que les offres standards dans les choix et les options qu’elle met à disposition ?
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