Une page se tourne. Inévitablement. Hier, après une passation de pouvoir inhabituellement longue, Slawomir Krupa a été nommé Directeur général de Société Générale. Pur produit-maison, il a annoncé vouloir s’appuyer sur une équipe de Direction resserrée, mettant en avant les compétences internes ; ce qui semble marquer la volonté de faire – enfin – bouger une vénérable institution.
Quand on parle de Société Générale, en effet, on parle d’une banque parmi les plus vieilles du monde (fondée en 1864) et de l’une des plus anciennes entreprises françaises toujours en activité. Mais aussi bien, aujourd’hui, dans le paysage bancaire, on parle d’un dinosaure !
Premier signe de reconnaissance : la taille. Comme celui des autres grandes banques françaises, le bilan de Société Générale est très conséquent. Il classe l’établissement parmi les vingt premières banques mondiales (quasiment à égalité avec BPCE, BNP Paribas est 6° et CASA 10°). Toutefois, sa valorisation boursière (inférieure à 20 milliards €) rétrograde Société Générale très loin dans le classement. Très loin de BNP Paribas, dont la capitalisation est plus de quatre fois supérieure (80 milliards €) et qui est elle-même très loin des tops de la liste (JP Morgan Chase est à 396 milliards $ ; Bank of America à 276 milliards $ et HSBC à 147 milliards $). Pourtant, le PNB de Société Générale est plus de la moitié de celui de BNP Paribas.
Il y a donc un problème de rentabilité ou plutôt de visibilité (car, malgré les pertes liées à l’arrêt de ses activités en Russie, Société Générale a réalisé un bénéfice non négligeable en 2022). Le groupe Société Générale parait surdimensionné par rapport à ses résultats. Quels sont ses atouts de taille en effet ? Ses 25 millions de clients ? C’est moins que Revolut, créée en 2015 ! Une présence dans 66 pays ? Mais avec quelles positions fortes (à part justement l’ex-entité russe) ?
Le Groupe présente un bon équilibre entre ses différents métiers : la BFI fait 35,9% du PNB, la Banque de détail en France 31,5%, l’International 18,4% et les services financiers spécialisés, à 14,1%, enregistrent la plus forte croissance. Mais, cette tripartition : France, International et Services financiers spécialisés a-t-elle encore un sens de nos jours ? Quelles sont les synergies entre les trois ?
Le vaste périmètre d’activités du Groupe semble fait de blocs trop étanches. Le meilleur exemple est sans doute Boursorama, qui vit sa vie et met en concurrence le réseau France (qui le finance néanmoins car Boursorama n’est toujours pas réellement rentable). Jusqu’à quand ? Quelle visibilité est-elle envisageable quant à la convergence, pourtant inévitable, de la banque en ligne et de la banque de réseau ?
Aujourd’hui, Société Générale parait plutôt embarrassée par sa propre taille et c’est la seconde caractéristique des dinosaures : la difficulté à bouger sous la charge de leur propre poids. Car, au cours des dix dernières années, le groupe a tenté beaucoup de choses : évolutions de ses agences, banque pour les jeunes, crédits pré-accordés, nouvelle gestion des comptes d’entrepreneurs,… Des initiatives sans grands lendemains. Tandis qu’avec ses vieux SI, Société Générale offre des applis clients peu séduisantes et tandis que les acquisitions (Treezor, Shine, …) ont été traitées, elles-aussi, comme des blocs indépendants.
Après quinze ans, Frédéric Oudéa laisse un établissement engagé dans d’importants chantiers – comme la fusion des réseau SG et Crédit du Nord – dont on peut penser qu’ils auraient dû être lancés il y a au moins dix ans. Et, dans l’attente, Société générale n’est guère présente sur les nouvelles thématiques de la banque de détail, alors même qu’une question de taille critique se pose pour beaucoup de ses activités.
De quelque façon qu’on le considère, ainsi, tout cela annonce la fin inévitable d’un dinosaure que sa taille, n’étant plus adaptée à son nouvel environnement, pénalise. Cela peut prendre du temps – contrairement à ce que l’on croit souvent, la fin des dinosaures ne fut nullement subite ! Alors qu’en resserrant ses moyens, ses efforts et ses atouts, Société Générale peut également gagner une nouvelle dynamique. Mais en admettra-t-elle la condition préalable : accepter de n’être plus qu’une banque moyenne et se penser comme telle ?