Il n’y a pas d’innovation inconnue ! C’est toute la différence entre innovation et invention. Il y a des inventeurs dont on découvre, des années après, qu’ils avaient eu une idée géniale. Mais quand on parle innovation, on parle business. Une innovation, c’est une invention ou une nouvelle façon de faire qui bouscule ou qui crée un marché. Sinon ce n’est rien qu’un échec. Prenons SPEAR par exemple. Voilà quelque chose de nouveau (créé en 2011) et d’assez génial, qui mérite un détour : www.spear.fr. Cependant, à part sur notre site, en avez-vous déjà entendu parler ?
SPEAR, c’est magnifique ! Le mot (to spear : harponner). Les sponsors : la Société Générale, le Crédit Coopératif et le Crédit Municipal de Paris, BPI France, Paris Dauphine et HEC, la Mairie de Paris, Finansol et Finance Innovation, etc. Les prolongements : une structure de conseil et de marque blanche. L’idée surtout : une manière originale et porteuse pour des banques d’investir le crowdfunding, pour le proposer comme placement à leurs clients. Une solution simple mais apparemment unique – nous n’en connaissons pas d’exemples similaires à l’étranger.
En deux mots : les porteurs de projets à fort impact social, environnemental ou culturel entrent sur la plateforme SPEAR. Les trois banques partenaires examinent leurs projets et décident ou non de les retenir et de les proposer à l’appel au financement de particuliers sur la plateforme. Il y a ainsi un cofinancement des banques et des épargnants, lesquels en fait ne prêtent pas directement aux porteurs de projets mais achètent des parts de la coopérative SPEAR, laquelle seule finance directement, et reçoivent des dividendes. Le risque, ainsi, est porté par la plateforme (par les banques partenaires en fait, comme pour un simple crédit). Les épargnants ne sont pas exposés au risque de non-remboursement des emprunteurs. Leur placement est liquide et est à même de répondre à plusieurs objectifs : soutenir l’économie solidaire, trouver des placements rémunérateurs mais non spéculatifs, bénéficier de déductions fiscales (IR et ISF) au titre de l’investissement dans des PME. Les banques, elles, tirent parti d’un effet « sagesse des foules », puisque l’intérêt des particuliers décide de leurs engagements.
SPEAR a ainsi tout de l’innovation porteuse mais qui le sait ? 1 720 abonnés sur Twitter et 1 181 likes sur Facebook – pour une plateforme de ce genre, des chiffres confidentiels. Si vous allez sur le net, entre Burning Spear, le chanteur de reggae et Spear, l’éditeur du Scrabble, vous trouverez peu de choses. Sur le site de la Société Générale : de brèves mentions sur « SG et vous » et dans les fiches « comprendre la banque ». Sur le site du Crédit coopératif, nous avons trouvé une mention dans une note de bas de page sur un communiqué de presse et rien sur le site de CMP Banque, sur lequel apparaît pourtant un onglet « Financer vos projets ». En d’autres termes, les trois banques ne font pratiquement rien pour orienter leurs clients, emprunteurs ou prêteurs, vers la plateforme. Quel intérêt alors ?
Il y a un vrai problème des banques françaises avec l’innovation ! Car SPEAR n’est pas un cas unique. Nous pourrions en dire autant de Sépamail, par exemple, dont nous avons souvent souligné l’intérêt sur ce site mais dont nous nous sommes lassés, au bout de tant d’années, d’attendre le coming out. Quand les banques françaises innovent vraiment – nous ne parlons pas des outils de PFM ou des appli pour mobiles, qui se ressemblent à peu près tous – on dirait presque qu’elles en ont honte ! Est-ce qu’elles n’y croient pas ? C’est peut-être pire que cela : on a l’impression qu’elles ne se rendent pas compte quand elles innovent véritablement !
Nous devrions leur signaler, allez-vous nous dire. Certes mais si, après beaucoup d’efforts et de patience, les promoteurs de ce genre de projet daignent enfin nous recevoir, nous les entendons déjà nous dire que c’est intéressant, oui mais qu’il ne faut pas s’emballer, qu’on verra déjà si ce qui a été lancé marche (mais comment si personne n’est au courant ?) et que, dans le cas du crowdfunding, il faut au moins attendre que la nouvelle loi sorte. Ainsi va l’innovation en France. A côté de quoi Google a déjà créé tout un marché pour ses Glasses, qui ne sont même pas encore vraiment au point.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor