Une étude récemment publiée dans Science montre que les dates et lieux de seulement quatre de nos achats par carte bancaire suffisent à nous distinguer parmi plus d’un million d’autres porteurs de cartes. Nous avons tous ainsi comme une « signature » à travers nos achats et cela signifie qu’il est devenu aisé de nous cibler individuellement, même noyés dans une masse considérable de données. Cela explique que l’engouement pour le Big Data soit fort dans le domaine bancaire. Cependant, dans tout ce qu’on peut lire sur ce thème, une question est rarement posée : qu’en pensent les clients ?
Dans le domaine bancaire, le Big Data, en deux mots, revient à considérer que les établissements financiers disposent de mines gigantesques de données sur leurs clients, leurs dépenses et leurs comportements et qu’avec les nouvelles technologies de traitement de données massives et les modèles de prédictions comportementales, les banques vont pouvoir adresser à leurs clients des offres singularisées, contextualisées, en même temps que vendre leurs données à d’autres commerces pour qu’ils développent des offres comparables. L’analyse de données va devenir une composante essentielle des services au sens le plus large.
Cependant, cela représente des investissements significatifs, dont les retours paraissent à terme assez incertains. C’est qu’on suppose que chacun d’entre nous n’attend avec impatience que d’être bombardé en permanence d’offres et de réductions et qu’il vivra comme un fabuleux progrès qu’on traque sans arrêt ses achats et ses mouvements – sans cette présupposition, le Big Data commercial risque fort de n’aboutir qu’à bâtir des usines de spams ; ces messages publicitaires que nos messageries nous aident à mettre immédiatement à la poubelle et qui ont des taux de clics souvent inférieurs à 0,2%.
Pourtant, il a pu d’ores et déjà être mesuré que les capacités d’absorption de la plupart d’entre nous se limitent à 5 offres, promotions ou remises, par jour. Dès demain, quand nous serons sollicités de toutes parts (nous serons détectés dès notre entrée dans un magasin), ce seuil de tolérance risque encore de baisser. Aujourd’hui, beaucoup de sites marchands, dans tous les secteurs, offrent à leurs utilisateurs le choix de ne pas recevoir de mailings publicitaires et n’en tiennent en fait aucunement compte. Demain, nous serons sans doute bien plus exigeants. Les sites les plus transparents en ce domaine seront certainement gagnants.
Par ailleurs, on imagine que, pour les clients, le traçage de leurs données personnelles sera pratiquement invisible – que nous vivrons comme un miracle permanent que les marques sachent si bien deviner nos envies. Il n’en sera rien bien sûr et le risque de rejet pourrait en particulier être fort de la part d’un grand nombre de clients, s’ils s’aperçoivent que leurs données bancaires sont utilisées sans leur accord.
Car les clients sont d’ores et déjà avertis. Beaucoup ne sont pas prêts à partager leurs données. Mais 45 % sont prêts à les communiquer contre une rémunération ; 30 % fixant même la barre à 500 € pour les partager pendant un an ! Ces chiffres sont cités dans une intéressante page du site Siècle Digital, qui propose également la segmentation clients suivante :
Finalement, ce que le Big Data pourrait apporter de plus immédiat et de plus décisif pour les banques pourrait bien être de les convaincre que « le » client, « leur » client, a disparu. Il faut désormais cerner des groupes homogènes de clients à travers attentes et comportements, à travers leur maturité, ce qui suppose effectivement un traitement de données totalement repensé et considérablement développé.
I. Reider/Score Advisor