La banque-plateforme, c’est l’idée que, profitant de leurs gigantesques bases de clients, les banques peuvent vendre des produits non-financiers, plus ou moins complémentaires de leurs offres (beyond banking) ou bien qu’elles peuvent vendre les produits financiers d’autres établissements.
Depuis plus de quinze ans, la banque-plateforme a fait l’objet de nombreux essais, dans des domaines très divers. En général, ces essais ont été peu concluants. Mais il y a des exceptions : le Crédit Mutuel s’est ainsi diversifié dans la télésurveillance notamment. Sur cette base, le groupe mutualiste a d’ailleurs récemment lancé son Kiosque à services.
Les cashbacks de boutiques partenaires et les avantages liés à la carte ont favorisé l’essor de la banque-plateforme. D’un établissement à l’autre, les « bons plans » se sont généralisés (le Dealwise d’ING par exemple ou la Bourso Shop de Boursorama) et, ces dernières années, plusieurs banques ont lancé des marketplaces d’automobiles neuves et d’occasion (TD Wheels, par exemple).
Il convient cependant de souligner – et les lecteurs réguliers de ce blog le savent bien – que ces initiatives ne sont en rien nouvelles. Et si, ces dernières années, plusieurs établissements ont été tentés de copier les super-app asiatiques (Alipay, Wechat, Grab), à ce stade, les solutions beyond banking réellement intégrées aux applis bancaires demeurent rares, comme l’aide aux choix de fournisseurs variés (la solution Papernest intégrée à l’appli web et mobile de BNP Paribas) ou spécialisés (fournisseurs d’énergie avec Switchd de Nationwide). Même la gestion d’abonnements, que propose en marque blanche la fintech Minna par exemple, est loin de s’être généralisée.
Tout de même, le choix de plusieurs établissements de laisser des tiers proposer leurs apps (CA Store) ou directement les développer sur des plateformes d’API (une démarche davantage tournée vers les outils pour pros et entreprises, comme avec la Stripe App Marketplace ou le BBVA API Market) n’ont pas franchement bouleversé les offres.
C’est que si l’idée de la banque-plateforme parait simple et prometteuse, elle n’en soulève pas moins d’importantes difficultés :
- Difficulté à mobiliser les forces de vente sur des produits et service qu’elles connaissent mal
- Difficultés de responsabilité face aux choix des clients ; frictions en matière de réclamations et de SAV
- Marges souvent faibles
- Difficultés à ouvrir et adapter les SI.
Au total, les expériences de banque-plateforme ont souvent été décevantes. C’est que l’intérêt des produits et services nouveaux proposés, ainsi que leur diversité, compte peu en lui-même. Moins en tous cas que la commodité et l’accompagnement offerts aux clients. Ce sont-là les deux principales dernières tendances.
La commodité consiste principalement à faciliter l’achat de nouveaux services (en évitant notamment la ressaisie de champs) et à en faciliter le règlement. A ce dernier effet, l’idée est de fonctionner de compte à compte entre particuliers et commerces, tous clients d’un établissement. C’est ce qu’a réalisé DBS pour la commande et l’achat de repas avec Foodster, à travers une page de Facebook Messenger. C’est ce qu’essaye de lancer SumUp, spécialiste européen du MPos, avec ses 4 millions de commerces clients et son Wallet/compte prépayé SumUp Pay.
L’accompagnement des clients cherche lui désormais à leur délivrer des recommandations personnalisées d’achat. C’est ce qu’expérimentent les spécialistes du paiement fractionné Affirm et surtout Klarna, avec leurs places de marchés respectives sur mobile. Klarna vient même d’installer sur son appli un plugin ChatGPT pour développer de nouvelles recommandations :
Du côté des banques classiques, on a surtout, à partir des offres de cashbacks et de promotions, une extension à des fonctionnalités de paiement pouvant être directement gérées à partir de l’appli. Celle de KBC, ainsi, permet le règlement de parkings, de restaurants, de location de vélos (les cashbacks sont réservés à ceux qui disposent d’un compte chez KBC).
L’idée est alors de transformer l’appli bancaire en un outil dont l’usage, au fil de la journée, est quasi-permanent. Avec sa banque sur mobile pour les jeunes Imagin, la Caixa s’essaye ainsi à la super-app avec une forte dimension générationnelle, axée sur la responsabilité environnementale. Ouverte aux non-détenteurs de comptes (qui peuvent fonctionner à partir d’un compte prépayé), l’appli Imagin offre de la musique, des jeux, des lieux à partager (Imagin Café), des offres de shopping.
Ces exemples soulignent assez que les banques, demain, devront offrir des services de plus en plus variés et complémentaires à leurs clients. Toutefois, ces exemples représentent également des extensions en mode plateforme ou places de marchés à partir d’offres bancaires classiques et propres, dont nous avons souligné qu’elles sont rarement concluantes.
A côté, certains nouveaux acteurs se développent directement sous un format plateforme. En France, pour les particuliers, c’est notamment le cas de Lydia. Un bouquet d’offres partenaires (cashbacks, prêts de Floa Bank et de Younited, assurances avec Luko, indemnisation des retards de vols avec AirHelp, …), Lydia (qui n’est pas une banque) offre un nouveau modèle bancaire où l’important est moins de développer de manière propre des offres de produits et de services que de proposer celles-ci sous différents outils et usages (budget, méta-carte, navigateur d’achats, …), de manière de plus en plus personnalisée à travers l’analyse de donnée (avec le spécialiste Paylead).
Ainsi apparaissent des banques-plateformes natives, tandis que les banques classiques s’ouvrent, à petits pas, à des bouquets d’offres de plus en plus variées. Dans les deux cas, la banque-plateforme parait une tendance incontournable, dont l’installation sera, comme toujours, bien plus lente qu’on ne l’imagine. Une transformation radicale – l’usage devient plus important que les produits – qui, malgré de nombreux essais depuis des années, n’en est encore qu’à ses débuts.