Dans un précédent billet, nous avons souligné quelle menace une plateforme de crowdlending de la taille du LendingClub est à même de représenter pour les banques. Nous avons également signalé que la plupart des banques n’ont sans doute pas encore exactement pris conscience de cette menace. Celle-ci trouve cependant une première réponse avec l’accord que Metro Bank et Zopa ont conclu il y a quelques mois.
En France, désormais, les banques ont commencé à se déployer dans la finance participative. Il n’y a rien là de très surprenant, sinon que les banques aient tellement tardé à le faire et que leurs initiatives, en ce domaine, demeurent encore assez timides.
Pour les banques, la finance participative offre des solutions de placement à l’adresse de leur clientèle, ainsi que pour attirer de nouveaux clients – la Banque populaire Atlantique a ainsi lancé Proximea, un fonds à travers lequel il est possible d’entrer au capital d’entreprises en croissance. Les solutions P2P ont également un attrait générationnel – Hello Bank ! propose Hello Play, en partenariat avec Ulule, qui permet de financer des projets musicaux. Soutenant des projets proposés en crowdfunding, une banque peut ancrer sa dimension solidaire et sociale – la Banque postale, l’un des premiers établissements en France à avoir soutenu la finance participative, intervient ainsi sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank. Enfin, le crowdfunding représente un outil d’animation de proximité qu’une banque peut choisir de développer à l’adresse de ses clients pour marquer son rôle d’animateur local. Le Crédit Mutuel Arkea (par ailleurs premier actionnaire de Prêt d’Union) a ainsi monté, en partenariat avec le groupe Télégramme, la plateforme locale Kengo. bzh.
Comme les investisseurs institutionnels, les banques peuvent prêter à travers des plateformes. La banque familiale Wormser Frères a ainsi récemment annoncé son implication auprès de Lendix. Et elles peuvent encore référer à des sites de crowdlending partenaires des clients qu’elles hésitent à financer ou à financer seules.
Maintenant, que se passe-t-il quand une banque de détail annonce qu’elle va financer directement des prêts à travers une plateforme de prêt P2P ? Au Royaume-Uni, c’est ce qu’est résolue à faire Metro Bank, en partenariat avec Zopa, l’un des pionniers mondiaux de la finance participative.
Pour Metro Bank – dernière née parmi les banques de détail anglaises et la première à avoir été lancée depuis 150 ans – l’intérêt est assez évident : elle soigne ainsi son image d’établissement en rupture avec les banques classiques. Les crédits qu’elle accordera via Zopa échapperont-ils à la réglementation bancaire ? Bénéficiera-t-elle du fonds Zopa Safeguard Trust garantissant les engagements des prêteurs ? Quoi qu’il en soit, Metro Bank externalise ainsi à la fois la distribution et le recouvrement d’une partie de son activité de prêt.
Cependant, la finance participative n’a-t-elle précisément pas prise son essor comme solution alternative au crédit bancaire ? L’enjeu n’était-il pas de contourner les banques, de parvenir à se passer d’elles ? Il semble qu’avec les plus grandes plateformes de crowdlending, ces principes sont désormais largement dépassés. L’un des co-fondateurs de Zopa, Giles Andrew, l’a d’ailleurs pleinement reconnu, en annonçant que l’accord avec Metro Bank confirmait « our intent to become a mainstream service. »
Il reste qu’un tel accord est à double tranchant. Il pourrait donner à Metro Bank la possibilité de fixer les conditions de prêt sur la plateforme et de la « récupérer » ainsi à son propre compte ; réalisant alors une avancée significative par rapport à ses concurrents. Réciproquement, Zopa pourrait également devenir de la sorte un canal de distribution pour les banques, quoiqu’indépendant d’elles, faisant pression sur les conditions qu’elles appliquent et concurrençant ainsi directement les canaux digitaux et physiques des établissements. A partir de là, il serait loisible d’imaginer que la plateforme puisse développer les comptes de ses clients et leur offrir d’autres produits que des crédits. De fait, elle deviendrait un véritable supermarché bancaire si elle parvenait à attirer d’autres établissements en plus de Metro Bank ; ce qui par ailleurs limiterait fortement la capacité de cette dernière à s’approprier la plateforme.
Devenir un canal de distribution parmi d’autres pour les banques ou, au contraire, les supplanter dans leur rôle de premier intermédiaire du crédit : l’accord de Metro Bank et de Zopa ne fait que mettre en lumière l’enjeu, considérable, qui sera de plus en plus celui des plus grandes plateformes de finance participative.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor