Actuellement, dans le domaine bancaire, la gamification est tendance et il faut sans doute s’attendre à ce que les banques dégagent prochainement des budgets assez conséquents pour développer, un peu toutes ensemble, les mêmes petits jeux en ligne. Cela avec le risque de découvrir finalement qu’il s’agit là de gadgets onéreux, pertinents tant que peu d’établissements les proposent mais dont l’intérêt commercial est limité.
En revanche, l’idée d’introduire une notion de jeu, de chance dans les produits bancaires classiques est sans doute beaucoup plus porteuse. Epargner correspond à un effort, un renoncement, voire à un sacrifice. Ne peut-on en faire également quelque chose d’un peu excitant ?
En 1956, le ministre des finances britannique, Harold Macmillan, lança les Premium Bonds, des titres d’emprunts d’Etat que l’Irlande imita dès l’année suivante avec ses Prize Bonds. Ces titres dégagent un intérêt qui n’est pas payé aux porteurs mais, tous les mois, un tirage au sort permet à ces derniers de gagner des lots allant de 25 £ à 1 million £. Plus d’un tiers des Britanniques ont acquis ces titres.
Les Américains ne sont pas des champions de l’épargne. Pour les y inciter, au cours des années 2000, plusieurs Crédit Unions ont créé, avec succès, la plateforme Save to win qui permet à leurs déposants de gagner également des lots.
En 2003, MMA a lancé une formule d’assurance vie, MMMax, servant un intérêt de 2,5% et offrant la possibilité de gagner des bonus (jusqu’à 20% d’intérêts supplémentaires) à travers deux tirages au sort par an.
Certains observateurs ont fait remarquer que cette dernière formule proposait tout à la fois une rémunération de base trop élevée et des bonus trop faibles. Il semble en effet que pour les épargnants, ces formules sont d’autant plus attractives qu’elles offrent une perspective de gains soit très fréquents, soit très élevés (même si la probabilité de les obtenir est très faible), tandis que le niveau de rémunération des dépôts parait alors accessoire. En Argentine, le Banco Rio de la Plata a rencontré un vif succès en proposant la formule d’une épargne rémunérée moitié moindre que le taux usuel mais assortie du tirage au sort quotidien d’un prix de 20 000 $ et d’un tirage mensuel permettant de gagner 220 000 $. Ce faisant, la banque ne réalise pas une importante économie par rapport à ce qu’elle devrait verser au taux usuel des dépôts mais la formule lui a permis d’attirer de très nombreux clients.
De telles loteries sont-elles immorales ? Bien moins que le loto ! On ne parie pas. On ne perd rien. Si la rémunération est faible et qu’on ne gagne pas de lots ou peu, il y a un manque à gagner par rapport à d’autres placements. Mais c’est le jeu, contre la perspective de pouvoir gagner beaucoup. Derrière, il y a de toute façon la constitution d’une épargne disponible. Il y a encore un changement sensible de l’image des banques, qu’aucune loi, comme le rappelle le slogan de Fidor Bank, n’oblige à être ennuyeuses.
Guillaume ALMERAS & T. LOWRY/Score Advisor