Jusqu’à très récemment, les banques ont suivi un objectif prioritaire d’ouvertures de comptes. Il n’est désormais plus exclusif. Une prise de conscience – également récente, aussi surprenant que cela puisse paraître – quant à la multi-bancarisation majoritaire de leurs clients et quant à la faible rentabilité unitaire de beaucoup d’entre eux, pousse désormais les banques à développer leurs formules de fidélisation. Et, à cet égard, si les banques ont longtemps suivi les grands détaillants, c’est avec les compagnies aériennes que les comparaisons sont désormais pour elles les plus intéressantes.
Fondés d’abord sur l’accumulation de miles, les programmes de fidélité des compagnies aériennes ont été victimes de leur succès, ce qui s’est traduit très concrètement pour les compagnies européennes par un manque à gagner conséquent, dès lors qu’elles ont été obligées d’enregistrer comptablement les miles distribués en diminution directe de leur chiffre d’affaires (norme IFRIC 13).
Les compagnies ont donc été obligées de durcir les règles d’acquisition de miles et de restreindre leur utilisation, notamment en termes de durée de validité. Cela, bien entendu, ne se fit pas sans susciter des mécontentements chez les clients mais la décision fut finalement assez opportune, coïncidant notamment avec la multiplication de compagnies low cost, dont les promotions rendent les miles moins attractifs.
En contrepartie, les compagnies se sont attachées à revaloriser leurs programmes de fidélité, c’est-à-dire à en faire sentir plus directement les avantages. Pour la clientèle de loisir, cela s’est traduit notamment par des réductions instantanées sur le prix des billets, ainsi que par des rehaussements de service (plus de bagages, des accès aux salons, …). Pour la clientèle d’affaires, on s’orienta vers des services et offres privilégiés chez des partenaires (chaines hôtelières notamment). Au total, la moindre attribution de miles fut compensée par des avantages beaucoup plus immédiats et divers.
Pour les banques, quoique d’une ampleur plus limitée, la situation est devenue assez comparable. Les programmes à points, pour gagner des cadeaux ou des réductions, ont atteint leurs limites, ce qui a été marqué par le retrait de plusieurs établissements (en France, les Caisse d’épargne et S’Miles, la Banque postale avec Adésio ; aux USA, l’arrêt des programmes de cashbacks respectifs de Bank of America, Citi ou Capital One). Et aujourd’hui, exactement comme dans le domaine aérien, la fidélisation doit trouver des formules plus directes et plus variées. Deux orientations se dégagent ainsi : ménager des conditions privilégiées sur les offres elles-mêmes et susciter un sentiment d’appartenance. Dans les deux cas, il s’agit de créer un statut offrant certains privilèges, ce qui est plus intéressant, à la fois pour les établissements et pour leurs clients vraiment fidèles, que des gains de points-cadeaux. Les banques développent ainsi des formules conjugales et familiales, pour que la fidélité d’un client puisse bénéficier à ses proches.
Une formule également intéressante consiste à permettre à ses clients fidèles de profiter d’un statut privilégié chez des partenaires extérieurs (ex : accès aux salons des compagnies aériennes). En pointe sur cette orientation, American Express tente ainsi de mettre ses clients voyageurs en réseau à travers Trip Advisor. Le partenariat avec ce dernier leur permet de bénéficier d’un statut particulier sur la plateforme en ligne, leur offrant des exclusivités et une liste de lieux favoris partagés uniquement entre eux.
A la limite, on peut ainsi imaginer voir apparaître bientôt des offres et services bancaires exclusivement réservés aux clients fidèles.
Certes, nous n’en sommes pas encore là. Contrairement aux compagnies aériennes et bien que ce soit l’un des principaux reproches que formulent les clients des banques, un certain nombre d’établissements ne récompensent ou même ne reconnaissent pas particulièrement la fidélité de leur clientèle. Celle-ci, dans la banque, demeure très élevée (mais une large multi-bancarisation en atténue fortement l’impact). Cela pousse-t-il certains établissements à croire qu’ils n’ont pas à se mettre en peine pour gagner ce qui leur est déjà largement acquis ? Ce serait aujourd’hui un pari particulièrement risqué.
T. Lowry/Score Advisor