Dans un bref rapport, élaboré avec l’aide du futuriste Tom Cheesewright, HSBC s’est récemment livré à un exercice d’identification des compétences qui seront particulièrement requises dans un monde bancaire de plus en plus digitalisé et faisant une part croissante à l’Intelligence artificielle. Si ses résultats laissent sur sa faim, le rapport a le mérite de formuler de premiers jalons et de permettre de poser d’excellentes questions.
Passons sur les compétences générales dont il est estimé qu’elles seront de plus en plus nécessaires, marquant la supériorité humaine sur les machines intelligentes : Curiosité, Créativité, Communication. Autant de grands mots qui ne pourront manquer de susciter l’adhésion mais qui, rattachés à rien en l’occurrence, sonnent complètement creux, relevant d’une rhétorique obligée. Au moins évitons-nous le « Think different ! » qui, ces dernières années, aura inévitablement conclu les exposés les plus moutonniers.
Six types de nouvelles compétences sont particulièrement mis en avant, dont il est estimé qu’elles seront cruciales pour les banques demain :
- Désigner de réalité mixte: concevant des interfaces faisant appel à la réalité augmentée et les rendant lisses et intuitives.
- Mécanicien d’algorithmes: sachant rendre performants ces instruments d’analyse et d’aide à la décision qui seront utilisés partout.
- Ingénieur de process: simplifiant et optimisant les modes opératoires.
- Designer d’interfaces conversationnelles: transcrivant en langage naturel l’opportune collaboration entre chatbots et humains.
- Conseiller universel: utilisant tous les types de canaux et d’outils à la rencontre des clients.
- Assembleur de partenariats: développant et maitrisant des assemblages de compétences internes et externes.
Le choix de ces six compétences comme prioritaires peut être (sérieusement) discuté mais il est incontestable qu’elles correspondent à d’importants enjeux que rencontrent les banques… actuellement ! De sorte que plutôt que d’identifier ces compétences comme autant de besoins futurs, la question serait de savoir quels critères retenir pour valider et sélectionner de telles compétences aujourd’hui. Face à quoi, croire qu’il suffira de recruter pourrait bien être un pis-aller dangereux. Dans le cadre d’un exercice prospectif, il est toujours bon de commencer par se convaincre que l’avenir sera forcément différent de ce à quoi il ressemble aujourd’hui ! Car bien sûr, dès demain, ces compétences auront évolué, se seront banalisées. Tandis que les problèmes qu’elles soulèvent dès à présent n’attendent guère.
Lorsque les entreprises se sont informatisées dans les années 70/80, on expliquait – tout à fait faussement – aux jeunes que la programmation allait devenir une compétence particulièrement décisive, conditionnant la plupart des carrières. Difficile de ne pas y songer en découvrant le rapport. Et les banques, recrutant des bataillons de programmeurs (souvent dans un contexte de surenchère salariale), constituèrent des Directions informatiques qui devinrent rapidement autant de bastions.
Cet exemple ne mériterait-il pas d’être pris en compte ? Comment en effet intégrer les compétences qu’identifie le rapport d’HSBC, tellement exogènes par rapport aux métiers bancaires classiques, sans créer de nouveaux silos ? Quels niveaux de décision réclament ces compétences pour être véritablement partagées, disséminées et optimisées ? Peuvent-elles être mises en œuvre sans révision profonde des modes d’organisation ? Sachant que la plupart d’entre elles n’ont rien de spécifiquement bancaire, doivent-elles toutes être internalisées? Quelle rentabilité peut leur être attachée ? Comment se conjuguent-elles avec le fait de l’autonomie croissante des clients face aux services bancaires ? (il est frappant que la problématique des API et de l’open banking ne soit pas prise en compte dans le rapport).
Sachant que beaucoup de banques ont engagée des réflexions comparables à celle que publie HSBC, sauront-elles véritablement traiter ces questions où y répondront-elles simplement par le recrutement de nouvelles compétences jugées – aujourd’hui – indispensables ? Il y a fort à parier qu’on le verra assez vite.
P. Adoux/Score Advisor