Face aux menaces que la robotisation des tâches fait peser sur l’emploi dans les banques, on a entendu récemment les syndicats en appeler au développement de la fonction de conseil que remplissent les chargés de clientèle. Et face à leurs nouveaux concurrents, généralement digitaux, ainsi que pour justifier le maintien de leurs réseaux d’agences, les banques invoquent également le conseil direct et personnalisé fourni à leurs clients. Certaines ont d’ailleurs engagé de vastes programmes de formation à cet effet. L’assistance qualifiée semble ainsi concentrer l’essentiel de la valeur ajoutée des services bancaires désormais. Seulement, si c’est le cas, la partie n’est pas forcément gagnée pour les banques quand, en France, un bon tiers des clients estiment en savoir plus que leur chargé de clientèle ! Par ailleurs, apparaissent aujourd’hui de nouveaux concurrents qui ne challengent plus les banques sur le tout digital mais qui se servent de l’automatisation pour rehausser niveaux de service et de conseil. De nouveaux acteurs qui vont changer attentes et usages et qui risquent de déclasser les offres des banques vers le bas de gamme. Après l’exemple d’Opes Advisors, dans notre précédent billet, celui d’une fintech prometteuse.
Moneylion a été créée en 2013 à New York par des Malaisiens. La startup propose un outil de PFM (Personal Finance Management), c’est-à-dire un assistant digital d’abord dédié à la surveillance des dépenses mais qui offre également une vision à long terme de leurs finances à ses utilisateurs. Il inclut en effet plusieurs outils de simulation, pour envisager l’évolution de son credit score ou pour planifier sa retraite.
En traquant les dépenses inutiles, Moneylion ne va pas, comme Clarity Money – autre fintech américaine intéressante – jusqu’à s’occuper de résilier des abonnements inutiles ou de discuter avec les fournisseurs (y compris de crédit).
En revanche, Moneylion a mis en place un système de rewards, qui récompensent les bonnes habitudes et initiatives financières de ses utilisateurs. Un gain de points qui permet de payer moins cher les produits financiers que propose par ailleurs Moneylion – pour le moment limités aux crédits de court terme (jusqu’à 35 000 $ à 7%). Car, en partant du PFM, Moneylion est en train de bâtir quelque chose qui ressemblera beaucoup à une banque.
Moneylion ne fournit pas de conseils. C’est un coach financier, au triple sens où il surveille, encourage ses utilisateurs et les rend finalement capables de faire des choix, notamment à long terme. Moneylion propose une relation durable à travers laquelle ses utilisateurs peuvent prendre en mains leur propre situation financière et travailler à muscler leur profil d’emprunteur, en comprenant ce qu’il est attendu d’eux – à ce titre, Moneylion permet ainsi de mettre en avant des recommandations de son réseau d’amis et de connaissances, via les réseaux sociaux.
Moneylion présente une synthèse de certaines des avancées les plus intéressantes en matière de relation bancaire : la transparence du scoring et son utilisation comme levier de fidélisation, l’intégration des réseaux sociaux, la prise en compte des perspectives futures dans l’appréhension d’une situation actuelle, une offre totalement orientée client… Au total, Moneylion propose un accompagnement que les banques peuvent fournir sans doute mais qu’elles n’offrent pas d’emblée, en tous cas pas à la majorité de leurs clients. Et Moneylion définit aussi bien la nature des services que les nouveaux agrégateurs de comptes devront fournir, s’ils veulent intéresser.
A partir de là, il est facile d’imaginer comment Moneylion pourrait élargir sa gamme de prestations et renforcer ses services, jusqu’à devenir une vraie banque. Mais peu importe s’il arrive ou non à s’imposer. Moneylion n’est qu’un exemple, qui montre comment la relation client va sans doute rapidement évoluer dans le domaine financier. Car la notion de conseil est dépassée. Avec Moneylion, trois éléments sont posés : je sais à tout moment comment je suis perçu en tant que risque, mes efforts ont un impact direct et continu sur mon profil financier, je peux sur cette base envisager autrement l’avenir. A partir de tels éléments, une relation non pas de conseil mais de confiance peut se développer. Les conseils n’en représenteront qu’un aspect. Et, si elle prend, comment répondront les banques ?
Iv. Reider/Score Advisor
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