Ces lignes sont extraites d’un bulletin de la Commission bancaire. Elles ont été écrites il y a 23 ans, en avril 1990.
Relire ce genre d’analyse aujourd’hui est frappant. A l’époque, sous l’impulsion du marché unique européen, les banques françaises paraissaient devoir être soumises, pensait-on, à une concurrence les forçant à améliorer leur productivité. Pour la Commission bancaire, c’était là le facteur clé. Or il était très prometteur : « les potentialités du secteur bancaire français sont à coup sûr très grandes », lit-on. Pour les banques françaises, ainsi, un avenir se dessinait clairement. Mais aujourd’hui ?
Bien sûr, en 23 ans, il s’est passé beaucoup de choses : concentration des établissements bancaires français, développement vertigineux des activités de marché, encadrement réglementaire de Bâle I à Bâle III, entre autres. Et puis internet, le multicanal, qui remet aujourd’hui bien des choses en question, qui fait apparaître de nouveaux acteurs, de sorte que la place et le rôle même des banques ne paraissent plus si assurés. Tandis que, sur les indicateurs fondamentaux, 23 ans après, la situation des banques françaises semble s’être plutôt dégradée ou, si l’on veut tenir compte des effets de la crise sur les résultats récents, ne semble pas s’être significativement améliorée.
La Commission bancaire signalait un coefficient d’exploitation élevé de 67,5% en moyenne pour les plus grands établissements en 1988. En 2012, il atteignait 67% pour Crédit Agricole SA, 68% pour BNP Paribas et 71% pour la Société Générale.
Le ROE moyen des premières banques françaises était de 10,43% en 1988. Il était de 5% en moyenne pour les cinq premiers groupes en 2010.
Le ROA ressortait à 1,69% pour les grandes banques universelles françaises. En 2011, il se situait entre 0,1% et 0,3% pour les mêmes établissements.
Reposant sur une tarification des services bancaires longtemps administrativement encadrée, la part des commissions dans le PNB, à 20% en moyenne, était faible pour la Commission bancaire, étant moitié moindre que pour les établissements anglo-saxons. En 2012, cette part moyenne n’était que de 26,6%.
Les banques françaises n’avaient-elles pas ouvert trop de guichets ? La question n’était que posée en 1990. Elle ne peut plus être évacuée aujourd’hui, alors que 15% des agences au moins ne sont pas rentables.
Les banques françaises comptaient parmi les plus internationalisées au monde. Cela est resté vrai mais sans les succès qu’ont pu enregistrer les grandes banques espagnoles de ce point de vue et tandis que la présence des Françaises dans les pays émergents reste fragile. Les banques françaises gèrent avec prudence leurs créances sur l’étranger, notait la Commission bancaire. Depuis, il y a eu la crise grecque.
Au total, à 23 ans de distance, une impression de sur-place et de plus grande fragilité ne peuvent manquer d’apparaître. En même temps, la question de la productivité demeure tout aussi décisive qu’alors, quand elle dessinait pour les banques un futur vers lequel elles devraient se hâter de retourner.
P. Adoux/Score Advisor