L’action commerciale des banques est essentiellement bâtie autour de cette séquence : 1) ouvrir de nouveaux comptes ; 2) tenter de gagner le compte courant principal des nouveaux clients ; 3) à partir de là, développer leur équipement en produits financiers maison.
Lorsque cela « marche », les clients sont dits « actifs ». Ils représentent une fraction des comptes ouverts qui va des trois quarts à moins de la moitié selon les établissements. Aucune grande banque de détail, en effet, n’évite la gestion d’un nombre significatif de clients « inactifs », généralement vus comme des clients à faible potentiel – ce qui se révèle de plus en plus être une erreur.
Prenons ainsi l’exemple d’une grande banque française, qui compte un nombre important de clients inactifs, c’est-à-dire de clients dont elle ne gère pas le compte principal et qui réalisent peu d’opérations. Des clients très peu rentables qui, ayant ouvert un compte une fois, souvent pour profiter d’une offre promotionnelle ou suite à une campagne publicitaire, ou sans trop réfléchir lorsqu’ils étaient jeunes, sont ensuite devenus « dormants ». Pour la banque, il s’agit là surtout de clients opportunistes, ayant peu de ressources et peu de besoins, de sorte qu’elle ne s’y intéresse guère. Pour augmenter le nombre de ses clients actifs, elle veut plutôt séduire une clientèle plus haut de gamme. La banque se demande néanmoins si elle pourrait davantage identifier les clients qui auront tendance à se révéler inactifs, notamment dès la souscription. Un diagnostic de maturité clients est ainsi réalisé qui infirme totalement l’analyse : une part significative des clients inactifs est plus haut de gamme que les clients actifs en moyenne. Et ils sont aussi mieux équipés en produits bancaires. La banque souhaite séduire des clients plus haut de gamme mais ceux-ci comptent déjà parmi ses clients et elle n’a pas su les convaincre !
C’est là un cas de figure de plus en plus fréquent, que soulignait également une étude de Deloitte menée en 2012 aux USA : pour s’équiper en produits financiers, 49% des clients des banques américaines ont tendance à se tourner vers d’autres établissements que celui où ils ont (et où ils gardent) leur compte principal (sauf pour les comptes d’épargne).
Segmentant la clientèle des banques selon quatre profils de comportements, l’étude isolait 39% de « Value Shoppers » équipés de 4,9 produits en moyenne, dont 4,3 avec d’autres établissements que celui tenant leur compte principal. Par comparaison, les « Consolidators », bien équipés auprès de leur banque principale, ne représentent que 9% des clients.
Or qui sont les « Value Shoppers » ? Ils ont en moyenne 45 ans et plus, ont des revenus plutôt importants et leur regard sur l’offre des banques est critique, averti. Ils veulent la transparence des prix (pas de surprise sur les frais accessoires) et qu’on récompense leur fidélité (qui est souvent forte auprès de leur banque principale). Peu d’établissements satisfaisant vraiment ces attentes, ils ont tendance à spécialiser les banques par types de compétences : un site boursier pour le courtage, un site spécialisé pour les assurances, etc. A la limite, ainsi, la notion de banque principale disparaît, tandis que le compte courant n’est plus le pivot de la relation bancaire, sinon pour le segment de clients souvent les moins rentables.
Les clients considèrent les offres bancaires avec de plus en plus de recul. Les plus intéressants sont de plus en plus compétents. Estimer cette maturité des clients est désormais essentiel.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor