En France, la désintermédiation bancaire – comprendre le fait pour une entreprise de pouvoir emprunter sans s’adresser à une banque – n’atteint pas les mêmes niveaux qu’aux USA mais, depuis quelques années, elle est incontestablement lancée.
S’il est difficile, à ce stade, d’estimer l’ampleur qu’elle prendra, il est clair en revanche qu’elle va :
- bousculer les relations des entreprises avec leur banque
- pousser les banques à se réorganiser davantage
- favoriser l’émergence d’outsiders sur le marché du financement des entreprises
Nous avons donc décidé d’interroger des acteurs clés de la désintermédiation. Nous commençons avec Nicolas Lesur, fondateur d’Unilend, principale plateforme de prêts participatifs aux entreprises en France et Président de Financement Participatif France.
Comment se positionnent les prêts participatifs aux entreprises par rapport aux crédits bancaires ?
Les plateformes de prêts participatifs, telles qu’Unilend, créent avant tout une mise en relation directe entre emprunteurs et prêteurs via internet. Elles participent ainsi à la désintermédiation (que certains nomment « débancarisation »), en offrant la possibilité aux entreprises de se financer directement auprès de prêteurs particuliers(1) sans passer par une banque. Il s’agit là d’une évolution importante, spécialement pour les TPE et PME, qui ont ainsi accès à un financement « public », pour quelques dizaines voire centaines de milliers d’Euros (en moyenne 100 000€), comparable à celui que les grandes entreprises obtiennent auprès des marchés depuis des années.
Unilend cherche à se démarquer par rapport aux crédits bancaires sur 2 autres aspects : d’une part la simplicité de mise en œuvre de ses prêts (assimilée à un gain de temps pour les dirigeants face à une réactivité bancaire nécessairement moindre du fait de coûts plus élevés de traitements, accrus par des marges réduites dans un contexte de taux bas…) et d’autre part la possibilité de financer par ce biais des besoins en fonds de roulement pour des projets ou activités nouvelles (là où les banques hésiteront à mettre en place des lignes de crédits en blanc).
Quelles sont les conséquences de cette désintermédiation dans les relations des entreprises avec leur banque ?
Le financement participatif (crowdfunding) doit être perçu davantage comme la possibilité de diversifier ses financements que comme une alternative au crédit bancaire. Les banques ne sont plus aujourd’hui source unique de financement des TPE- PME mais elles conservent un rôle prépondérant et le financement participatif ne modifie pas les relations des entreprises avec leur banque dans les autres domaines : gestion des flux, conseil financier…
Quelles conséquences pour les banques ?
La désintermédiation consiste en une relation directe Emprunteurs / Epargnants-prêteurs ce qui donne davantage de poids aujourd’hui aux épargnants et à leurs intermédiaires (Assurances, Asset managers ..). Nous ne sommes plus dans une relation exclusive Emprunteurs / Banque et cela peut conduire les groupes bancaires à se réorganiser en interne.
Néanmoins et avant tout, la finance participative encourage les banques à s’organiser, en externe, avec les plafeformes elles-mêmes, au travers de partenariats comme celui que viennent de conclure Unilend et Groupama Banque(2). Pour les banques, les enjeux sont multiples. Ce type de partenariat permet à la fois de diversifier son portefeuille de crédits et d’étendre ses possibilités d’allocation de ressources (possibilité d’autant plus appréciable dans le contexte du plan Draghi). Il permet par ailleurs de renforcer sa position sur le marché des entreprises (c’est une des clés de lecture du partenariat que vient de conclure Groupama Banque). Enfin dans un contexte de réduction des réseaux d’agences bancaires, nous assistons à une digitalisation croissante de la relation bancaire Pro-Enterprises et la relation avec des plateformes de crowdfunding trouve aussi ici son sens (l’éloignement des agences incite déjà des entreprises à se tourner vers Unilend).
Parions que de prochains accords permettront très simplement à des banques qui ne font pas de prêts aujourd’hui, d’en proposer à leur clientèle via leur partenaire, devenant ainsi plus universelles sans augmenter leurs contraintes.
Propos recueillis par Isabelle Mallard/Score Advisor
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(1) : L’un des objectifs de la loi Macron est d’étendre cette possibilité aux personnes morales
(2) : Partenariat pour 100M€ de financements sur 4 ans, soit plus de 10 fois la production annuelle d’Unilend aujourd’hui