La semaine dernière, dans Les Echos, Nicolas Théry, Président du Groupe Crédit Mutuel et actuel Président de la FBF, affirmait ne pas croire à l’open banking et qualifiait les dispositions de la DSP2 d’absurdes. En commentaires, les journalistes soulignaient le discours de plus en plus confiant, face aux fintechs, de banques françaises rassérénées par leurs bons derniers résultats trimestriels et leur remontée dans les études d’image au cours de la crise sanitaire. Des indices pourtant fragiles. En eux-mêmes et si l’on considère que ce que les banques peuvent craindre de la part de nouveaux acteurs n’est pas une concurrence frontale mais le développement de nouveaux usages. Un exemple, mal connu en France, l’illustre particulièrement : Venmo.
Pour le dire en quelques mots : Venmo (créé en 2009) est sans doute le meilleur exemple d’une fintech qui, en dix ans, a su devenir une marque. Aux Etats-Unis, « to venmo » serait en train d’entrer dans le langage courant pour désigner les paiements entre personnes. En tous cas, Venmo a su changer l’usage des paiements et ceci en traitant les transactions comme de véritables interactions. Apparu en plein essor des réseaux sociaux, Venmo a inventé le paiement social. Il a créé un réseau au sein duquel on peut voir qui paie quoi et à qui. L’idée était audacieuse. Elle a eu du succès parce qu’elle a tout de suite marqué une différence, en même temps que Venmo l’a très vite atténuée (possibilité de payer sur le réseau en mode privatif) et complétée (paiements fractionnés, dont Venmo fut quasiment le pionnier, personnalisation des règlements avec commentaires, émojis, …).
Aujourd’hui, sur Venmo, le paiement social n’est plus qu’une option et la fintech – rachetée par Paypal – propose des solutions de paiement de plus en plus généralistes (y compris par carte). Venmo a conquis 70 millions d’utilisateurs et 2 millions de commerces. Les banques ont dû monter une solution commune comparable : Zelle. Car ce sont les banques qui se sont retrouvées à faire concurrence à Venmo !
Au cours de la crise sanitaire, de nombreux Américains ont modifié leurs habitudes de paiement. A ce stade, 62% des consommateurs ont adopté l’une des trois solutions : Venmo, Paypal ou Zelle (qui enregistre les montants de transaction moyens les plus importants). Au premier trimestre 2021, les volumes de paiement traités par Venmo ont augmenté de 60% par rapport au premier trimestre 2020 (58% pour Zelle).
Au total, les paiements de personnes à personnes aux Etats-Unis se font toujours à 41% en espèces et à 6% par chèque. Les solutions de type Venmo et Zelle n’en représentent que 28% en moyenne – mais 87% chez les Z, les X et 65% chez les boomers. Un nouvel usage est donc en train de fortement s’installer. Les banques en profitent avec Zelle, parce qu’elles ont réagi très vite. Elles n’ont pas osé reprendre la formule du paiement social et ont surtout concurrencé Venmo (qui n’est pas vraiment gratuit !) sur… les tarifs. Le monde à l’envers ! Ou simplement le rappel que les marchés évoluent par ruptures d’usages bien plus que de positionnement. Une situation que la France n’a pas encore véritablement connue en matière financière. Une chance pour les banques. A condition qu’elles s’en rendent compte, car elle pourrait bien n’être que provisoire.
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