Le 1er novembre 2016, le gouvernement britannique a lancé un Bank Referral Scheme ou Programme de référencement bancaire obligeant désormais les banques qui refusent un crédit à des PME à référer celles-ci à des plateformes susceptibles de les aider à trouver des financements alternatifs. Cette orientation que d’autres pays adopteront sans doute – les instances réglementaires européennes s’étant notamment jusqu’ici montrées très réceptives aux initiatives bancaires développées outre-Manche – pourrait marquer à terme un vrai bouleversement du paysage bancaire.
Au Royaume-Uni, 100 000 entreprises échoueraient chaque année à trouver un financement bancaire. Or la plupart d’entre elles ne pensent pas forcément à se tourner vers d’autres solutions (prêteurs et plateformes de crowdlending ou d’affacturage en ligne), lesquelles ont pourtant fleuries ces dernières années.
Le gouvernement britannique a donc sélectionné trois plateformes (et en sélectionnera d’autres l’année prochaine) : Funding Option, Funding Xchange et Bizfitech. Elles auront pour mission d’orienter les entreprises vers d’autres solutions dans le cas où leur banque refuse de leur accorder un crédit. Et, dans ce cas, la banque devra « référer » son client, c’est-à-dire transmettre aux trois plateformes un dossier d’informations le concernant. Tout ceci, cependant, n’interviendra qu’avec l’accord explicite des entreprises en cause.
Dans les faits, un certain nombre de banques britanniques, comme Natwest, orientent déjà leurs clients vers des solutions alternatives en cas de refus. Mais pour neuf banques (dont les cinq principales : Barclays, HSBC, Lloyds, Natwest et Santander UK), cela est désormais obligatoire et la transmission d’un « package » d’informations est une nouveauté.
Le Scheme prend ainsi acte de l’élargissement du marché financier. Et il le fait de manière forte. Pour le moment, seules les PME dont le chiffre d’affaires dépasse 25 millions £ sont concernées. Mais on imagine facilement une extension du Programme aux TPE et même aux particuliers (au moins pour certains financements). Pour les nouveaux acteurs cela représente un levier qui les poussera sans doute à étendre leurs services et activités – comme Zopa, le premier site anglais de crowdlending, qui prévoit de lancer prochainement une banque en ligne.
L’enjeu est de donner au marché financier une plus grande profondeur, avec de nouveaux acteurs développant une gamme de solutions variées, voire spécialisées, permettant à chaque type de risque de trouver preneur sous certaines conditions, les tarifs s’ajustant exactement aux profils particuliers des risques. Mais est-ce bien sûr ?
Pour le présent, particulièrement sur le marché anglais, les entreprises trouvent surtout, au-delà des banques, soit des prêteurs qui pratiquent des tarifs (très) élevés (et adoptent souvent des modes de surveillance très intrusifs), soit des plateformes qui peuvent être encore plus sélectives que les banques ! Peut-on croire que cela changera beaucoup ? Les entreprises essuyant un refus de leur banque trouveront-elles vraiment, facilement, des financements alternatifs à de bonnes conditions ? On voudrait à cet égard en savoir plus sur les informations que les banques devront transmettre aux plateformes. Justifieront-elles leur refus ? A travers des éléments de scoring ?
Soit l’accès au crédit est jugé au vu d’éléments formels (bilans financiers, etc.). Au faciès, pourrait-on dire. C’est le principe des plateformes en ligne qui, à ce compte, ne peuvent qu’être poussées à réclamer des informations de plus en plus intrusives (accès direct au compte courant, à la base clients, …). Dans ces conditions, il est à craindre que ce soient toujours les mêmes entreprises qui accèdent aux meilleurs financements, alternatifs ou non. Les autres devant se soumettre à des conditions quasi usuraires.
Soit l’accès au crédit intervient dans le cadre d’une relation durable, d’une connaissance quasi personnelle qui permet de développer une relation de confiance, au-delà des résultats immédiats. Pour le moment, les banques ont encore le quasi monopole de ces relations. Elles pourraient le perdre et, à cet égard, les plateformes d’orientation (qui n’ont pas encore véritablement d’équivalents en France) développeront peut-être une fonction d’accompagnement direct des entreprises qui leur seront référées ou des entreprises tout court. Une fonction de premier intermédiaire face au financement, qu’il soit bancaire ou non, qui pourrait être complétée par un rôle d’agrégateur de comptes. Parmi les trois plateformes sélectionnées, Bizfitech semble assez prête d’une telle orientation.
Or un tel rôle pourrait ne pas être pris aux banques mais proprement délaissé par ces dernières, tentées de ne garder que les meilleurs risques et de financer les autres à travers des plateformes – dont elles sont déjà aux USA les premiers financeurs – déléguant ainsi à d’autres le travail d’octroi et une part du risque, tout en trouvant des rémunérations plus élevées. En fait, la tentation pour les banques ne peut qu’être forte, à l’heure où leurs réseaux d’agences sont de plus en plus difficiles à rentabiliser et où certaines envisagent de rompre avec le principe d’un conseiller attitré pour la plupart de leurs clients. A terme, cependant, il n’est pas sûr que ce soit là un très bon calcul.
T. Lowry/Score Advisor