Un court article sur le blog BBVA Data & Analytics signale que l’établissement espagnol teste actuellement une toute nouvelle approche pour mesurer la satisfaction de ses clients. Une approche directement inspirée par… les défibrillateurs cardiaques. Une approche qui fournit une bonne illustration de ce que peut développer une banque résolument engagée dans l’économie de la connaissance.
La satisfaction client est un indicateur complexe. Elle peut avoir de nombreuses causes et produire différents résultat. La mesurer implique donc de surveiller une multitude de facteurs. Mais, plus encore, c’est un indicateur variable, instable, qui peut brusquement changer. L’estimer à travers des enquêtes de satisfaction, dès lors, parait bien trop sommaire. Ces enquêtes ne fournissent en effet que des appréciations globales et vagues, alors qu’il faudrait estimer quelles situations et quelles configurations de facteurs sont à même de provoquer une insatisfaction et jusqu’à une « crise » (le client décide de changer d’établissement).
C’est ici que l’analogie avec les défibrillateurs, si elle peut paraître a priori un peu « tirée par les cheveux », se révèle pertinente. Il s’agit plus exactement des défibrillateurs automatisés externes ou DAE (lesquels se sont généralisés dans les lieux publics en Espagne plus tôt qu’en France). En cas d’arrêt cardio-respiratoire, les DAE analysent l’activité du cœur et, si cela est approprié (si l’arrêt cardiaque est lié à une fibrillation ventriculaire), délivrent un choc électrique. Pour pouvoir être utilisés en situation d’urgence, donc par un public non formé, les DAE procèdent automatiquement au diagnostic. Ils sont dotés d’un logiciel d’analyse de tracé électro-cardiographique, reposant lui-même sur une métrique dont BBVA s’est inspirée.
Plus précisément, le propre d’un DAE est de détecter les arythmies cardiaques létales et de calculer, le cas échéant, l’intensité du choc nécessaire pour inverser l’arythmie. Or le problème est que, dans un électrocardiogramme, les données pertinentes en l’occurrence n’apparaissent pas forcément. Elles peuvent être statistiquement masquées par d’autres signaux plus nombreux et plus forts. Exactement comme, dans le cas d’une banque, de petits incidents peuvent sembler négligeables par rapport à l’ensemble des traitements, alors qu’ils sont à même de faire naître et de cristalliser de fortes insatisfactions chez les clients. Par ailleurs, quoique faibles, les signaux cardiologiques pertinents en cas de fibrillation ventriculaire sont multiples. C’est leur conjugaison qui doit alerter. Exactement comme, pour les banques, l’addition de motifs de récrimination, même si chacun peut paraître minime et même s’ils sont espacés, peut contribuer à former un sentiment fort d’insatisfaction. Pour y remédier, il a fallu, dans le cas des DAE, développer par apprentissage des algorithmes de calcul permettant de détecter des configurations de facteurs critiques, afin ensuite de les sur-échantillonner dans l’analyse de l’électrocardiogramme. C’est de cette méthodologie dont s’inspire BBVA.
Faut-il souligner qu’il s’agit là d’une approche assez révolutionnaire ? Aujourd’hui, à travers des enquêtes, on mesure des degrés d’insatisfaction client qui ne renseignent que peu sur leurs causes, comme sur leurs issues possibles. On constate une insatisfaction que l’on n’a pu prévenir, faute de la diagnostiquer plus tôt – sans parler des biais que peuvent présenter ces enquêtes (on peut être globalement insatisfait et ne pas y trouver les rubriques pour formuler ses plaintes). Bref, un indicateur clé fait l’objet d’une mesure frustre.
Pour agir, il faut s’efforcer de repérer les signaux critiques – souvent faibles, disséminés et instables mais potentiellement graves – et leurs configurations à travers les comportements clients. Pour cela, il faut analyser des données massives et avoir recours au Big Data. Mais BBVA récuse ce terme trop vague et préfère parler de « valorisation des données ». BBVA n’entend d’ailleurs plus seulement être une banque mais une entreprise financière dans l’économie de la connaissance qui est en train de naître. En ceci, BBVA dispose d’une certaine avance. Son blog, qui fourmille de pistes de réflexion, notamment sur la Smart City (nous en reparlerons bientôt), reste à ce stade, parmi les grandes banques internationales, assez singulier.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor