A l’occasion de son dernier Investor Day 2022, JP Morgan Chase a présenté sa stratégie en matière de banque de détail. Deux cartes côte à côte, issues de cette présentation, résument en large partie cette stratégie. Depuis cinq ans, en effet, la première banque mondiale n’a cessé d’ouvrir des agences :
Or ces ouvertures sont surtout justifiées par un chiffre : 75% des dépôts que collecte la banque sont faits par des clients qui fréquentent régulièrement ses agences.
Des agences et des dépôts, il y a de quoi se frotter les yeux ! Comment une banque peut-elle aujourd’hui régler sa stratégie sur ces deux leviers. Rien ne s’est-il donc passé depuis au moins trente ans ? Beaucoup sans doute – surtout de ce côté-ci de l’Atlantique – ne verront donc là que la stratégie complètement archaïque d’un mastodonte bancaire promis à une disparition plus ou moins prochaine.
Pourtant, les résultats de JP Morgan Chase en banque de détail sont excellents. Et on peut difficilement qualifier d’archaïque un établissement qui, avec sa banque numérique, est en train de réaliser une percée remarquée sur le difficile marché bancaire britannique – nous reviendrons d’ailleurs sur cette percée dès demain. Quelle grande banque européenne peut se targuer d’un tel succès ? Laquelle compte, comme Chase, 46 millions de clients actifs sur mobile, dont une moitié utilisent ses outils numériques de gestion de budget et de santé financière ? Si l’on ajoute que le marché bancaire américain est celui où des néobanques ont gagné les parts de marché les plus significatives, la stratégie de JP Morgan Chase mérite d’être examinée avec attention.
D’abord, cette stratégie est assez nouvelle. Elle s’est affermie ces dernières années en effet car JP Morgan Chase estime qu’elle est finalement la meilleure réponse aux menaces des néobanques ; surtout dès lors que face à cette menace, beaucoup d’établissements classiques sont convaincus de devoir fermer leurs agences à tour de bras. Dans ce contexte, Chase se verrait bien devenir la dernière banque à offrir à tout le monde les services les plus complets et variés.
Dès lors que le groupe a en effet fortement investi ces dernières années pour refondre ses systèmes d’information – ces centres de données ont à ce stade été intégralement reformatés et en large partie migrés sur le cloud – il pourra proposer des solutions comparables à celles des nouveaux acteurs (telle qu’une appli de gestion patrimoniale avec interaction vidéo prochainement lancée). En revanche, ces derniers ne pourront offrir un contact direct de proximité à 85% des Américains, comme le vise JP Morgan Chase avec ses agences.
Ces cinq dernières années, le groupe en a ouvert 500 et, comme le montrent les cartes ci-dessus, pour l’essentiel (300 agences) dans des Etats où il n’était pas présent. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, 6% des agences bancaires ont moins de 5 ans. Par comparaison, 12% des agences Chase ont moins de 5 ans. Mais ces agences ont été redimensionnées et les frais liés au fonctionnement du réseau ont baissé de 12% depuis 2017. Il est attendu que les nouvelles ouvertures soient rentables au bout de quatre ans. C’est bien plus rapide que ce que l’on vise généralement en Europe. Mais près de 70% des clients de Chase continuent à se rendre en agence, y compris les plus jeunes (les Millenials et la génération Z représentent 45% des clients du groupe).
Or, nous l’avons souligné, les agences paraissent toujours décisives pour la collecte des dépôts. C’est un axe prioritaire pour le groupe, parce que les clients retiennent comme banque principale celle où ils concentrent le plus leurs dépôts. Parce que cela permet de fonder une relation de long terme, qu’il s’agisse de crédit, de placement, de conseils ou de services. Et parce que la collecte, la rémunération et le réemploi des dépôts représentent le point faible des nouveaux acteurs numériques, bien plus pertinents sur les paiements et les crédits courts.
Ainsi, alors que l’on peut désormais beaucoup mieux juger ce que sont à même de proposer les nouveaux acteurs sur le marché bancaire, JP Morgan Chase fait le pari que le vieux modèle de banque universelle, à condition de l’actualiser, représente la meilleure réponse à la finance numérique. Venant d’un établissement de taille moyenne, cela pourrait paraitre insensé. Mais c’est la première banque mondiale qui l’affirme !
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