Nous animions récemment un focus group sur l’action des banques au cours de l’année écoulée et les remarques des participants nous ont surpris. Nous attendions bien entendu des remarques, favorables ou défavorables, sur la manière dont les banques ont géré à leur niveau la crise sanitaire et sur les soutiens, jugés utiles ou insuffisants, qu’elles ont distribués. Or les principaux reproches formulés furent tout autres.
Le premier reproche serait anecdotique s’il ne paraissait pas presque incroyable. Il concerne le paiement sans contact, qui s’est généralisé avec la crise l’année dernière. « Au bout d’un moment, les paiements sont refusés, sans qu’on sache pourquoi, ont remonté plusieurs participants. Car si on revient à un paiement en tapant son code, ça marche ! Au début, les commerçants ne savaient pas non plus pourquoi mais ils ont fini par nous expliquer que c’est une mesure de sécurité. » En effet, il faut réactiver la carte avec le code de temps en temps, explique une participante. « On se demande pourquoi les banques ne l’ont pas plus largement expliqué. » « En matière de paiements, il faut toujours que l’on fasse leur boulot ! », ajoute un commerçant. « Dès le premier confinement, on s’est rendu compte que beaucoup de seniors ne savent pas en fait se servir de leur mobile pour payer. Il a fallu leur expliquer, comme si on n’avait que ça à faire ! »
Difficile de déterminer si ces remarques concernent tout le monde et toutes les banques. Mais, alors qu’on ne parle plus que d’expérience client, que de telles remarques puissent être assez largement partagées ne peut manquer d’interroger. Soit les banques ou certaines d’entre elles n’ont pas effectivement prévenu leurs clients et cela frôle la désinvolture. Soit, ce qui est sans doute davantage le cas pour la plupart, elles les ont prévenu mais de manière trop souvent inefficace.
Le deuxième reproche concernait les évolutions fortes qu’auront connues au cours de l’année le marché immobilier, la bourse et finalement le bitcoin. « Sur ces sujets, lance un participant, du côté de ma banque c’est silence radio ! Aucun conseil. Aucune perspective. » « Dans la mienne, déclare un autre, ils nous ont invité à un petit-déjeuner pour en parler. Mais pour nous répéter ce qu’on entend partout et nous recommander finalement une grande prudence. On avait l’impression qu’ils n’en savent au fond pas plus que quiconque ou qu’ils considèrent que ces sujets ne nous concernent pas réellement. » Les banques mettent le conseil en avant mais qu’ont-elles vraiment à dire ? A qui ? Et surtout comment ?
Troisième réaction notable et assez inattendue, qui n’est pas tant un reproche qu’une irritation et qui concerne à vrai dire l’ensemble des entreprises : leurs déclarations en matière de responsabilité sociale et environnementale. « Marre de les entendre s’auto-féliciter en permanence ! » « Elles n’en finissent pas de débiter en chapelet leurs bonnes actions, leurs bonnes résolutions. C’est tellement prévisible et convenu ! » Un participant le dit crûment : « on ne se sent pas concernés ! ». « Ma banque parle de ses actions en matière d’inclusion, d’actions pour les territoires, de solidarité et quand en pleine crise mon activité s’est retrouvée à zéro, elle m’a refusé une augmentation de 1 000 € de mon autorisation de découvert. » Où comment un discours tout positif et inclusif peut finalement générer un sentiment d’exclusion ! Quand il est remarqué. Car un certain nombre de participants n’avaient même pas réalisé que leur banque communiquait particulièrement sur ces thèmes.
En matière de communication, l’important ne sont pas les canaux utilisés mais les relais sur lesquels on peut compter, c’est-à-dire les points de contacts à travers lesquels on est assez sûr de toucher ses destinataires tout en permettant à ceux-ci d’interagir.
Jusqu’ici, dans la banque, ces relais étaient avant tout les personnels d’agence, guichetiers ou conseillers, qui représentaient des relais de communication particulièrement ouverts et efficaces. Ce qui ne veut pas dire que la communication était forcément satisfaisante bien sûr mais qu’elle pouvait compter sur des actions de proximité et individuelles capables de suffire à l’essentiel des échanges. Dès lors, les autres canaux (emails, centres d’appels, …) n’étaient qu’accessoires.
Avec la banque digitale, à distance – comme la crise sanitaire en a accéléré l’expérience – tout change. De plus, depuis des années, les banques ont tendance à spécialiser et à multiplier les contacts comme les expertises. Et la relation client est de plus en plus gérée à travers une appli, c’est-à-dire un canal fonctionnel sur lequel il est difficile de personnaliser la communication. Dès lors, reçus comme des informations générales, les messages peuvent ne pas même être lus et les conseils paraissent anodins. Tandis qu’unilatérale et répétée, pour toucher tout le monde, la communication institutionnelle, comme celle concernant la RSE, atteint rapidement, à l’instar de la publicité, son niveau de saturation.
Les banques – les banques en ligne particulièrement – sont conscientes de ces problèmes mais les relais de communication de la banque digitale restent encore à trouver. Avec le risque qu’à défaut la digitalisation ne précipite les établissements financiers dans un rôle d’opérateurs de services purement technologiques auxquels on ne pensera plus forcément à s’adresser pour ce qui concerne ses propres questions financières.
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