Nous rencontrons Stéphanie Savel, Présidente de Wiseed, plateforme pionnière du crowdequity (1) en France (et même dans le monde !). Créée en 2008, Wiseed affiche aujourd’hui à son compteur plus de 17 millions d’euros de financement en capital auprès de 54 start-ups (avec des investissements de 100€ minimum et en moyenne de 3000€) et 42 000 internautes inscrits sur son site. De quoi approfondir le sujet du financement de l’amorçage des start-up (cf. interview précédente avec Xavier Milin de Basics Finance).
Avant d’engager la discussion, voici quelques données économiques (sur la France) pour alimenter la réflexion :
- Le besoin en fonds propres des PME et des ETI est estimé à 11 milliards d’Euros(2),
- L’épargne des particuliers représente en France plus de 4 000 milliards d’Euros
- Selon l’INSEE, les ménages ont parié 46,2 milliards d’Euros en 2012, chiffre en progression de 76% depuis 2000…,
- Entre 200 000 et 300 000 entreprises sont créées chaque année, des TPE et PME pour l’essentiel : de plus en plus de personnes sont ainsi sensibilisées, voire directement concernées, par le besoin de financement et d’accompagnement des start-up,
- Le crowdequity a représenté 25,4 millions d’euros d’investissement en capital en 2014 (soit plus du double par rapport au montant investi en 2013 : 10,3 millions)
Comment Wiseed intervient-il sur l’amorçage des entreprises ?
Wiseed intervient sur le financement en capital dès les premières années de l’entreprise, dans la plupart des cas entre la deuxième (après création de la structure juridique et des études de recherche & développement) et la huitième année.
Le financement de l’amorçage des entreprises est l’une des principales différences avec le crowdlending (financement participatif par prêt) qui intervient plus tard dans la vie des entreprises.
Les dossiers sont présentés en financement sur le site Wiseed à l’issue d’une phase de sélection en plusieurs étapes. Ainsi, en 2014 une vingtaine de start-up ont été proposées sur près de 1 300 dossiers reçus par Wiseed. L’une des étapes clés de cette sélection est le vote des internautes inscrits sur le site, avec un forum de discussion avec les fondateurs de start-up, ce qui donne un premier retour étayé et partagé sur chaque projet.
L’investissement se fait au travers d’une holding constituée pour chaque start-up financée, pour regrouper les intérêts de l’ensemble des investisseurs et les représenter au sein des instances de gouvernance. Cet accompagnement entrepreneurial, qui va de pair avec l’investissement financier, est une approche voulue par les 2 co-fondateurs de Wiseed qui ont dirigés et animé l’incubateur Midi-Pyrénées avant de créer la plateforme. Cela fait l’objet d’informations et de consultations régulières auprès des particuliers investisseurs.
Comment expliquer la progression du crowdequity ?
La progression du crowdequity met en évidence 2 réalités : d’autre part la volonté des particuliers d’investir une partie de leur épargne dans la création d’entreprises qu’ils identifient et dont ils perçoivent l’utilité et d’autre part une déficience dans le financement en fonds propres des start-up.
Qu’est-ce qui motive les particuliers à investir dans ce type de financement ?
3 motivations principales poussent les particuliers à investir dans le crowdequity : leur proximité par rapport au projet présenté (proximité géographique ou de centre d’intérêt, notamment pour les projets liés à la santé ou à l’environnement), la satisfaction qu’ils trouvent à choisir eux-mêmes ce qu’ils financent, enfin le suivi qu’ils pourront en faire. Le crowdequity est ainsi perçu comme un « pari » sur une start-up avec la possibilité de le suivre et de participer aux décisions.
Pourquoi y a-t-il une déficience dans le financement en fonds propres des start-up et en quoi le crowdequity fait bouger les choses?
Le financement en fonds propre des start-up n’est – par définition – pas couvert par les prêts bancaires mais par des investissements d’actionnaires ou d’investisseurs en direct ou au travers des marchés (sachant que les fonds d’amorçage sont peu nombreux). Aujourd’hui, la plupart de entreprises qui se créent n’ont pas la taille pour faire appel aux marchés ou être éligibles à ces fonds, d’où la nécessité de trouver d’autres solutions pour les start-up
Dans ce contexte, dans la plupart des cas, le crowdequity est aujourd’hui la seule possibilité pour les start-up de se financer en fonds propres, en dehors de l’épargne de leurs créateurs et de leurs proches.
Quelle est la position des banques par rapport au crowdequity ?
La progression du crowdequity montre que les plateformes intéressent de plus en plus la clientèle des banques. Aujourd’hui, toutes cherchent à se positionner sur le sujet, tant auprès des start-up que des particuliers investisseurs.
Cela conduit les banques à clarifier (enfin ?) que leur cœur de métier n’est pas d’être actionnaire ou investisseur mais de prêteur. C’est précisément ce que vient de faire le Crédit Coopératif qui a conclu un partenariat avec Wiseed.
Wiseed travaille actuellement à la constitution d’un fonds de co-investissement. L’occasion pour les banques de proposer de nouveaux produits de placement ?
Isabelle MALLARD/Score Advisor
(1) Financement participatif (crowdfunding) avec investissement dans le capital d’entreprises
(2) Source : Association Française des Investisseurs pour la Croissance (AFIC), Etude « Activité des acteurs français du capital-investissement en 2013», Avril 2014