La finance participative désigne le fait, pour quiconque, de pouvoir lever des fonds à travers un site internet. Comme son nom anglais « crowdfunding » l’exprime, cela consiste à faire appel à la foule pour financer un projet. Et si les collectivités publiques y avaient elles aussi recours ?
La finance participative existe sous différentes formes, dont les trois principales sont le prêt de personne à personne (crowdlending), le financement en capital pour une société – ces deux premières formes faisant actuellement l’objet d’un projet de loi en France. Sous une troisième forme enfin, qui nous intéressera seule ici, la finance participative recouvre l’appel à des dons, sans contrepartie ou pour lesquels les donateurs peuvent recevoir différentes gratifications (une place dans un spectacle ainsi financé par exemple ; le financement de projets artistiques s’est en effet particulièrement développé à travers la finance participative).
Or, sous cette dernière forme, on peut facilement imaginer que des collectivités territoriales et, au plus près des individus qui proposent des projets, des municipalités puissent intervenir sur les sites de finance participative ; certes pour de petites sommes mais avec un fort impact, pour choisir d’aider directement des projets relevant de l’action culturelle et sociale, de la vie locale, dont les montants sont trop faibles pour s’intégrer à un soutien public direct selon les canaux courants. Certaines entreprises, publiques et privées, le font déjà. Pour marquer son soutien à l’économie solidaire et sociale, la Banque postale par exemple distribue des dons en compléments de ceux des internautes sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank, pour les projets qu’elle trouve justifié de promouvoir.
Mais l’on peut aussi bien imaginer que les collectivités locales puissent chercher directement des compléments de financement sur les plateformes de crowdfunding. Dans les pays anglo-saxons, deux sites, lancés en 2012, méritent particulièrement d’être mentionnés à cet égard. Au Royaume-Uni, SpaceHive offre cette possibilité aux municipalités, tandis qu’aux USA la plateforme Citizinvestor leur est même réservée.
Plutôt que de recourir à l’impôt ou à l’emprunt, une commune pourrait ainsi directement faire appel à la générosité du public pour financer des projets. Alors que les budgets publics se resserrent et que le ras le bol fiscal se fait entendre, cette solution paraît séduisante. Toutefois, les sommes qui peuvent être levées à travers le crowdfunding, quoique significatives dans certains cas, ne doivent pas être surestimées. L’idée serait plutôt, à titre complémentaire plus que substitutif, de donner une dimension participative à la dépense publique. Parce que le don individuel en l’occurrence, même symbolique, permet l’expression d’une volonté citoyenne. Marquant l’adhésion à un projet, il permet à chacun de se prononcer concrètement sur l’évolution de l’environnement public.
Il y a en effet une dimension de démocratie directe dans le recours, par des institutions publiques, à la finance participative dans la mesure où celle-ci favorise l’expression d’une intelligence collective : ce que l’on a nommé la « sagesse de la foule », c’est-à-dire la capacité d’un grand nombre d’internautes non coordonnés de juger tous ensemble du bien fondé et de l’urgence d’un projet. Dans un autre domaine, les banques ont reconnu l’intérêt de cette démarche et elles commencent à bâtir des plateformes participatives de crédits à des entreprises innovantes sur lesquelles leurs financements interviennent en complément des apports de la foule – on pourrait d’ailleurs se demander si les banques qui financent les collectivités locales ne seraient pas les mieux placées pour promouvoir ou même développer des plateformes permettant à celles-ci de mobiliser des financements participatifs.
Quoi qu’il en soit, cette « sagesse des foules » qui apparait dans la finance participative n’étant finalement qu’une expression particulière de la volonté générale, elle a certainement sa place dans la gestion de la chose publique ; particulièrement dans la gestion quotidienne. Qu’il s’agisse de finance participative, ou bien de collecte de données et de remontée d’informations (crowdsourcing), comme le permet par exemple la plateforme FixMyStreet au Royaume-Uni (que Paris devrait adapter avec Dans ma rue), qu’il s’agisse encore de gestion de trafic (Greenway, Waze, …), une mutation d’envergure se dessine qui invite les édiles à renoncer définitivement à toute confiscation de la représentation démocratique et donc de l’action publique directe.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor