Volkswagen Financial Services, filiale financière du Groupe Volkswagen, vient d’acquérir PayByPhone, une startup de Vancouver qui, à travers une appli mobile, gère notamment le paiement de 200 000 places de stationnement en Ile-de-France pour Indigo (ex Vinci Park). Volkswagen avait déjà mis la main sur Sunhill Tech., leader en Allemagne pour la fourniture du même service et ces deux acquisitions sont évidemment stratégiques alors que de nombreuses grandes villes, comme Paris, s’orientent vers une privatisation du stationnement de surface – d’autant que ce genre de solutions facilite et renforce largement les contrôles. Mais, au-delà, se dessine pour le constructeur un tournant stratégique qui ne peut manquer d’évoquer celui que traversent désormais les banques.
Il y a d’abord un constat : les nouveaux moyens de paiement, désormais imbriqués dans d’autres services, particulièrement dans le cadre de la mobilité urbaine, échappent de plus en plus aux banques traditionnelles. Mis au point par des startups, ils sont acquis et installés par des opérateurs extérieurs à elles. Il y a là un phénomène progressif d’éviction, dont le stationnement ne représente qu’un aspect et face auquel la faible réactivité des banques est surprenante.
Il y a ensuite et surtout une orientation stratégique majeure pour le premier constructeur automobile mondial. A travers une nouvelle marque, Moia, Volkswagen se lance en effet dans le covoiturage, les véhicules avec chauffeurs (avec l’acquisition de la startup israélienne Gett) et les solutions innovantes de mobilité urbaine, que Moia développe en liaison avec les municipalités. En même temps que les véhicules électriques représentent son nouveau challenge, Volkswagen répond ainsi à Uber autant qu’à Tesla et entend relever les enjeux de l’économie du partage et de la Smart City.
La vision est ambitieuse : que demain les usagers des villes soient des clients, qu’ils possèdent une voiture ou non. Et il s’agit d’une transition stratégique majeure, même si pour le présent elle n’est qu’une dimension nouvelle ajoutée aux autres marques du Groupe : l’attention se déplace de l’objet, le véhicule, à l’usage qui en est fait ; lequel devient le plus important, avec ou sans l’objet.
Une telle orientation, qui n’est pas propre à Volkswagen d’ailleurs, ni même aux seuls constructeurs automobiles, concerne-t-elle également les banques ? Certainement. Et elle se traduit d’ores et déjà de plusieurs façons. Associer les moyens de paiement aux décisions d’achat et au contexte des dépenses. Accompagner directement le développement des Pros et leur fournir différents services non financiers à cet effet. Rendre le scoring dont ils font l’objet transparent pour les clients et se focaliser sur les moments clés de vie, pour s’engager ainsi sur une relation de long terme.
Alors que de plus en plus de nouveaux acteurs sont à mêmes de fournir directement ou d’intermédier, à travers agrégateurs et plateformes, ce qu’elles proposent (comptes, moyens de paiement, crédits, dépôts, …), les banques sont inévitablement invitées à redéfinir leur offre. Il s’agit pour elles aussi de passer des produits aux services, lesquels doivent répondre à des attentes et inventer de nouveaux usages. Ainsi, au-delà des crédits, des moyens de paiement, des supports d’épargne et de placement, les banques pourraient avoir pour vocation de proposer à leurs clients une relation de confiance durable. D’une certaine façon, c’est ce qu’elles ont toujours fait. Mais sans le cultiver particulièrement. Aujourd’hui, notamment, pour évoluer, elles se focalisent bien davantage sur des solutions technologiques que sur ce que les consultants appellent leurs « propositions de valeur ».
Une relation de confiance durable, cela recouvre notamment la protection et la confidentialité des données personnelles. Peu de banques néanmoins, nous l’avons souligné, réalisent encore qu’un engagement est fortement attendu de leur part sur ce point. La confiance, cela recouvre également, pour les clients, la sécurité de leurs avoirs. Depuis la crise, le sujet est devenu sensible et les réactions, largement excessives, à la Directive BRR l’ont particulièrement souligné. Sur cet aspect essentiel, néanmoins, les banques sont largement muettes.
La confiance, cela recouvre enfin la certitude de pouvoir compter sur sa banque quand le besoin se fera sentir. A cet égard, depuis quelques années et vis-à-vis des Pros notamment, les établissements communiquent sur des montants de crédit pré-accordés, définis sur la base de l’observation de l’activité, à travers l’historique de la relation. Or la mise en place d’une telle disposition rencontre des difficultés sur le terrain. Dans les différents réseaux, les équipes ne savent guère travailler ainsi et peuvent se sentir dépossédées de sorte que, fréquemment, ces crédits « préaccordés », lorsqu’ils sont demandés, sont toujours soumis au traditionnel circuit d’acceptation, c’est-à-dire à la possibilité d’un refus (dans les faits souvent prononcé) dont on ne sait jamais précisément ni qui ni ce qui le décide. Pour les clients, en fait de confiance, l’effet est désastreux.
Un certain nombre de choses restent à faire ainsi mais avant tout une prise de conscience sans doute, amorçant une réflexion stratégique allant un peu plus loin que les traditionnels business plans. L’exemple d’acteurs comme Volkswagen peut y contribuer.
H. R./Score Advisor
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