La transformation digitale ne se résume pas seulement à l’ajout d’une nouvelle technologie aux modes et modèles de fonctionnement existants. Elle va bien au-delà, avec des implications sur tous les aspects dont nous organisons la chaîne de valeur, y compris la structure interne de l’entreprise elle-même. La façon de gérer et de mesurer la transformation digitale est encore en discussion dans de nombreuses entreprises, à la recherche de la méthode qui permet d’établir un programme de transformation digitale. En ce sens, les méthodes « agiles » peuvent servir d’inspiration. Il s’agit de groupes de pratiques de projets de développement susceptibles de s’appliquer à divers types de projets. Ayant pour dénominateur commun l’Agile Manifesto (2001), ces pratiques se veulent plus pragmatiques que les méthodes traditionnelles. Elles impliquent au maximum le demandeur (client) et permettent une grande réactivité à ses demandes. Elles visent la satisfaction réelle du client en priorité.
Ajouter seulement un service en ligne à une prestation existante peut s’avérer pire que de ne rien faire, car de fausses attentes sont générées. Mieux vaut dans ce cas d’améliorer la prestation elle-même. Dans « l’ancien monde », la transformation digitale aurait été un programme de changement avec un pilotage centralisé, un budget dédié et des KPI associés. Les diverses tâches y auraient été menées en cascade du haut vers le bas, selon l’organisation de l’entreprise, dans l’espoir que certaines d’entre elles s’avèrent efficaces et soient réellement adoptées par les équipes. Un débat aurait eu lieu autour des outils informatiques et de l’allègement des structures hiérarchiques. Cependant, la transformation digitale vers des services numériques à valeur ajoutée nécessite désormais que l’entreprise se transforme et adopte les concepts mêmes du « monde digital ». Ceci s’inscrit dans une approche à long terme et ne peut être limité à la seule mise en œuvre de nouvelles fonctionnalités.
La gestion du programme de changement doit être repensée et également être transformée au monde digital. Il s’agit tout d’abord de tenir compte de la façon dont les organisations changent, car, tout comme avec la technologie, il n’y a pas de solution miracle. Ensuite, il s’agit de mobiliser chaque équipe, afin qu’elle soit partie prenante et influence aussi son propre changement. Au lieu d’une approche menée par le haut, qui suppose que l’équipe centrale comprenne parfaitement les besoins de l’opérationnel et conçoive juste des interventions de remédiation, cela nécessite une approche de dialogue, laissant une grande place aux opérationnels et à leurs attentes, pour qu’ils deviennent les vecteurs de nouvelles méthodes de travail, générant des structures et pratiques plus efficaces.
Au total, il s’agit donc de voir au-delà de la mise en service de nouvelles idées ou technologies et d’examiner comment réussir l’adoption du changement au quotidien par l’ensemble du personnel, c’est-à-dire :
- Définir précisément les besoins de l’entreprise en ce qui concerne, entre autres, l’évolution de la croissance, les réformes de l’organisation, la bonne intégration de nouvelles lignes d’activité, la réduction du coût opérationnel, une plus forte réactivité par rapport au marché et des clients, etc.
- Décrire la cible organisationnelle en termes de capacités à atteindre avec le changement – la méthode Agile peut y contribuer, notamment avec ses « User Stories».
- Créer des mesures (et les suivre en tant que KPI) fondées sur des données en temps réel issues du quotidien opérationnel et des retours clients
- Communiquer activement à travers l’organisation sur les capacités à atteindre et leur importance ; inviter les collaborateurs à porter un regard critique et à suggérer des objectifs supplémentaires
- Mettre en place un réseau d’agents de changement dans toute l’entreprise, motivés à explorer de nouvelles façons de travailler, puis leur fournir les outils dont ils ont besoin pour « passer le mot » aux autres collaborateurs.
- Gérer activement un « backlog» (selon la méthode Agile) des actions pour chaque « work stream » par domaines, afin d’organiser le changement ; par exemple :
- Modèle d’organisation – Boîte à outils de nouvelles structures, techniques et façons de travailler
- Plates-formes applicatives – Orientées par services pour un travail distribué, partagé et interconnecté
- Gouvernance – Ligne directrice pour le nouveau mode de travail et la culture d’entreprise
- Culture – Convergence des méthodes de travail et de la communication
- Amélioration des processus – Identification et amélioration des processus inefficaces ou bloquant le changement aux nouvelles façons de travailler (selon la méthode Lean, identification de « Muda »)
- Pilotage et accompagnement du changement
- Encourager chaque équipe à donner un avis informel sur les propositions d’amélioration (comment faisons-nous aujourd’hui, ce que les prochaines actions peuvent améliorer, etc.)
- Automatiser le reporting des améliorations réalisées et des capacités (disponibilités) des équipes pour les actions à venir au sein d’un tableau de bord global et accessible à l’ensemble des collaborateurs (I)
- Impliquer chaque équipe de façon régulière dans la priorisation des actions à venir (II)
- Mesurer et suivre les KPI (III)
- Communication régulière ; en priorité sur (I, II, III)
L’objectif est de piloter la transformation avec agilité, impliquant l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise, au lieu d’un pilotage en centrale. Il s’agit d’encourager et d’impliquer activement l’ensemble de l’entreprise dans l’amélioration de leurs méthodes de travail et leur permettre de contribuer à un projet partagé du changement opérationnel et organisationnel.
Les avantages et bénéfices de la méthode Agile pour le pilotage de la transformation digitale peuvent être résumés en ces quelques points clefs :
- Maîtriser les coûts et les délais
- Servir les besoins métier avec un ROI mesurable et réalisable
- Impliquer et motiver les équipes opérationnelles
- Décider et arbitrer sur des éléments factuels et mesurés
- Obtenir des résultats, un ROI positif, tout au long des étapes de mise en œuvre
Le but final pour l’entreprise est de modifier la routine en passant à un modèle d’organisation quantifiée et pérenne. Il s’agit de créer un impact durable sur la base d’un changement partagé et collaboratif, à travers une « plate-forme du changement », évitant les imposants programmes classiques. La transformation et l’adoption de nouveaux comportements, habitudes et pratiques de travail prend du temps. Elle est bien mieux acceptée, si les opérationnels concernés l’ont activement accompagnée, au lieu de l’avoir subie.
Au lieu de penser le changement comme une série de projets coûteux à fort impact avec un modèle prédéfini et imposé à une organisation sceptique ou rétive, il s’agit d’analyser les pratiques opérationnelles au jour le jour, mesurer factuellement leur efficacité, sur une base continue et itérative, afin d’isoler les points amélioration nécessaires. Ensuite les actions d’amélioration, de transformation et de changement seront proposées, définies et décidées par et avec les équipes opérationnelles elles-mêmes.
Il tient maintenant à chaque entreprise d’évaluer, par secteur d’activité, les opportunités pour bénéficier au mieux de sa transformation dans un monde digital. Au fur et à mesure de l’avancement de ces transformations apparaîtront de nouveaux types de marchés ; il deviendra alors évident que le monde des affaires est en changement profond. Les échanges mercantiles de tout type seront réalisés en quelques clics seulement et permettront aux consommateurs de mieux bénéficier de l’offre et de prix fortement concurrencés. Les éléments entrant dans le calcul de coût et charge des entreprises changeront également, l’utilisation des actifs sera mieux gérée et le défi sera celui de la réduction des coûts de distribution à travers une relation directe avec le client. Il est permis de croire que toutes ces évolutions déclencheront des opportunités sans précédent.
Michael Lemke/Score Advisor