Les banques redoublent d’efforts pour dialoguer avec les startups fintech et multiplient notamment les challenges, hackathons et concours. Des événements souvent intéressants mais ensuite ? Les idées nouvelles ne sont ni facilement, ni rapidement transposables dans l’univers bancaire. Beaucoup se perdent donc et la question est de savoir comment l’éviter. La plateforme OpenUp de BNP Paribas est une réponse, qui tente de jeter un pont durable entre les startups et la banque. Scotia Bank, elle, franchit le pas et veut faire rentrer les startups dans ses murs, les associer à ses équipes. Elle a créé à cet effet cinq usines numériques.
Dans l’industrie, on entend par « usines numériques » un ensemble d’outils et de méthodes pour optimiser la conception, la simulation, la définition des process et la production dans le cadre d’entreprises étendues. L’enjeu est notamment d’envisager en même temps la conception des produits, la définition des process et les modes de distribution. On parle d’une « ingénierie simultanée », dont les enjeux sont de raccourcir les délais de production tout en favorisant les innovations de produit, de process et de méthode. Selon le cabinet Cimdata, on peut viser ainsi une réduction de 30% du temps de mise sur le marché et de 13% des coûts de production.
Transposant ce modèle de digital factory dans l’univers bancaire, Scotia Bank a ouvert une usine numérique dans cinq pays : Canada, Mexique, Pérou, Chili et Colombie. Ce seront des lieux de travail partenaire avec des startups, réunissant en interne des équipes pluridisciplinaires de 200 à 400 personnes : concepteurs, développeurs, experts en analyse, spécialistes du marketing numérique et praticiens de la méthode agile. Leur tâche sera, au moins dans un premier temps, de piloter la production numérique visant à rehausser l’expérience client, ce qui concerne les opérations bancaires mobiles et numériques, l’ouverture de comptes, l’évaluation des prêts et les demandes de prêts hypothécaires.
En 2015, déjà, Scotia Bank avait monté des « laboratoires éclairs », pour repenser et simplifier les principales solutions et expériences bancaires destinées aux clients, comme aux employés. Un cran plus loin, il s’agit à présent de développer de véritables startups internes. Les usines numériques de Scotia Bank s’efforcent d’y ressembler en tous cas – jusqu’aux inévitables tables de ping-pong, symboles avancés désormais des entreprises smart, jeune et modernes !
On ne peut en rester à cette impression toutefois. Chaque usine numérique, annonce Scotia Bank, comptera des membres permanents, comme des coachs Agile, des ingénieurs et des concepteurs d’expérience client ou d’interface utilisateur. Cependant, d’autres personnes possédant une expertise recherchée seront appelées à collaborer ponctuellement aux divers projets. « Prenons l’exemple d’un projet visant à améliorer l’expérience d’accueil des clients en Amérique latine. Dans ce cas, il faudrait recourir à des spécialistes des Opérations internationales qui apporteraient leur expérience de première ligne. Puis, une fois le travail terminé, ces personnes réintégreront leur service avec une nouvelle perspective sur les projets et agiront comme ambassadeurs en facilitant la transformation numérique au sein de leur groupe respectif. » Cela signifie que les usines pourraient assez rapidement devenir le cœur de la banque.
Scotia Bank voit ses usines comme des vecteurs de changement en interne, des catalyseurs de la transformation numériques. Elles semblent annoncer en fait des changements beaucoup plus radicaux. Des équipes pluridisciplinaires, envisageant en même temps conception et process, satisfaction clients et outils de production, c’est la fin de l’organisation en silos, mettant notamment face à face le Développement et l’Informatique. C’est également la reconnaissance que la transformation digitale doit se nourrir d’un écosystème ouvert, agrégeant des compétences internes et externes – ce qui représente une véritable révolution ! C’est encore le dépassement d’un marketing produits pour une approche centrée sur l’expérience client et faisant donc la part belle aux process et aux canaux de distribution. Pour toutes ces raisons, il ne serait pas surprenant que cette initiative de Scotia Bank soit assez rapidement imitée.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor