Banque Populaire a créé un portail de vente en ligne de produits agricoles et viticoles : Direct & Bon.
Explications : une part croissante d’agriculteurs cherche à développer leurs ventes en circuits courts. Internet leur permet aujourd’hui de recruter de nouveaux clients et de mieux valoriser leurs productions. Mais rares sont ceux qui ont la formation et le temps nécessaires pour créer eux-mêmes un site de vente en ligne. Pour les aider dans cette démarche, la Banque Populaire, 3ème acteur bancaire du monde agricole, a décidé de mettre à leur disposition un outil performant clé en main.
Ce n’est pas la première fois que ce genre de solution apparait. Il faut dire que l’idée est séduisante : les grandes banques disposent d’une très large base de clientèle fidèle, à laquelle elles peuvent sans doute vendre autre chose que des produits financiers. Par ailleurs, le commerce en ligne ne cesse de croitre et il est déterminant pour les banques d’en capter les flux de paiements. L’idée est donc que les banques développent elles-mêmes ce commerce. Seulement, si l’idée s’impose, est-ce que cela marche ?
Au début des années 2000, deux expériences ont plutôt témoigné du contraire. En 2000, BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Société Générale créaient, avec Cap Gemini, une place de marché BtoB dédiée aux achats hors production des entreprises : Answork (« the answer is the network »). L’ambition était forte : faire de ce système d’e-procurement le leader du commerce interentreprises – on croyait alors que, pour le BtoB, le commerce en ligne allait rapidement submerger le commerce en dur. En 2001, le Crédit Lyonnais lançait à son tour Séliance – qui fermera dès 2003, un an avant qu’Answork ne soit à son tour liquidée. Dans l’un et l’autre cas, la taille critique de clients et de fournisseurs était loin d’avoir été atteinte.
Certes, à l’époque, le commerce en ligne « essuyait les plâtres » et les places de marché des banques ne sont pas les seules, loin de là, à avoir déçu. Pour Answork et Séliance, les investissement furent à la hauteur des ambitions et paraissent aujourd’hui assez démesurés. Par ailleurs, un problème de mise en marché fut vite rencontré : en quoi les réseaux commerciaux des banques étaient-ils vraiment intéressés à promouvoir une offre qui, en ligne, leur échappait quasi totalement ? Il faut se souvenir qu’à l’époque beaucoup de chargés de compte n’accédaient pas à internet depuis leur station de travail ! Et puis, la plupart des entreprises n’avaient alors pas encore rationalisé leurs systèmes d’achats et travaillaient plutôt – comme les banques d’ailleurs – à développer en interne leur propre système d’e-procurement. Il n’en reste pas moins que les deux expériences ont montré que, pour les banques, se positionner comme intermédiaires entre acheteurs et vendeurs pour des biens non financiers n’a rien d’évident.
L’idée n’a cependant pas été abandonnée – on le voit avec l’exemple de Banque populaire. Elle représente même une tendance forte dans l’approche des clientèles bancaires. Mais elle s’est orientée plutôt vers le BtoC et, au moindre coût, se développe à travers des galeries marchandes qui, de plus en plus, trouvent leur place sur les sites des banques. Car, si certains établissements se sont particulièrement engagés dans cette voie, comme BCP Millenium (Portugal) ou Bradesco (Brésil) par exemple, peu ignorent tout à fait cette tendance – BNP Paribas a sa page « Bons plans et vie pratique ».
Les banques ainsi deviennent des vitrines et tentent de créer un usage : que leurs clients prennent l’habitude de passer par elles pour réaliser divers achats non financiers, souvent spécialisés (la télésurveillance au Crédit Mutuel par exemple). Changer les habitudes prend cependant du temps. Comment booster cette orientation ? Notamment auprès des entreprises ? L’idée de base est que, par leur poids, les banques ont un pouvoir de négociation auprès des fournisseurs, dont elles peuvent jouer pour faire profiter leurs clients de remises importantes. C’est sur cette base que Bank of America a récemment lancé une plateforme d’achat de véhicules neufs et d’occasion. Avec succès ? Le site en question est aujourd’hui indisponible… En fait, l’idée n’est peut-être pas si bonne car les banques ne sont guère armées pour exercer ce qui est un métier en soi. Il en va de même pour les solutions d’achats groupés, dont le modèle économique est par ailleurs encore incertain, quoique plusieurs banques aient pu être tentées d’imiter Groupon. Enfin, une fois mis en relation, acheteurs et vendeurs peuvent fort bien trouver moyen de se passer de la banque.
Pourtant, ces idées ne sont certainement pas absurdes : les banques disposent bien d’un pouvoir de négociation important et les achats groupés font sens compte tenu de leur base très large de clientèle. Mais, quant à la mise en marché, peut-être est-il judicieux pour les banques d’associer les remises dont bénéficient la clientèle à l’usage d’un moyen de paiement. La First National Bank (Afrique du Sud), par exemple, l’a lancé pour les achats de carburant et de billets d’avion :
Et quant à leur pouvoir de négociation, sans doute les banques peuvent-elles l’exercer au mieux – c’est-à-dire de la manière la plus efficace et la moins onéreuse – en groupant dans une première étape les demandes de leurs clients avec leurs propres achats. Les banques achètent alors directement – elles ne sont pas seulement intermédiaires – mais elles achètent en partie pour elles-mêmes et en partie pour leurs clients, créant un effet de masse, déterminant en termes tarifaires, qui bénéficie à tous. Pour les achats hors production, l’offre à destination de PME, mal équipées et trop petites pour négocier aux mêmes conditions, serait importante. Cette intéressante idée commence à se dégager.
Guillaume ALMERAS/Score Advisor